La Bioprod en ordre de bataille
Le 7ème Congrès France Bioproduction, organisé par Polepharma et Medicen, qui a rassemblé plus de 500 acteurs les 5 et 6 avril derniers au Palais des Congrès de Tours, a permis de poser les conditions de l’accélération pour concrétiser les objectifs du plan Innovation Santé 2030 et la réindustrialisation du pays.
Rendez-vous incontournable de la filière bioproduction, l’événement était présidé cette année par Thierry Hulot, président de Merck France et du Leem, en présence de François Bonneau, président de la région Centre-Val de Loire, et sous le haut patronage de Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’industrie. « Avec 534 inscrits et une soixantaine de stands, le succès ne se dément pas, » souligne Fabien Riolet, directeur général du premier cluster européen de médicaments, dont l’ambition est de « faire de la France le meilleur endroit au monde pour produire les médicaments ». Un facteur clé est l’alliance avec Medicen, depuis trois ans, « pour rapprocher le monde de l’innovation de la production et faire travailler ensemble tous les acteurs de la filière » selon Julien Ettersperger, délégué général adjoint de Medicen Paris Région. Une condition pour atteindre les objectifs du plan Innovation Santé 2030 et concrétiser la réindustrialisation du pays.
Des défis connus
Le focus de cette 7e édition a été mis sur la stratégie d’accélération, alors que l’essentiel des biothérapies innovantes va faire appel aux bioproductions à l’avenir : anticorps monoclonaux, cellules CAR-T, vaccins… « Accélérer, c’est fondamental, pointe Thierry Hulot. La filière a besoin des compétences, de l’expérience, des technologies et de l’engagement de tous sur la chaîne de valeur pour relever les défis de demain : sociétal, économique, mais aussi de réindustrialisation de l’innovation, d’attractivité et de reconquête d’un leadership européen. » Faire émerger des licornes et des ETI, doubler le nombre d’emplois dans la filière et produire 20 biomédicaments sur le sol français, ce sont les trois objectifs de la stratégie nationale, rappelés par Roland Lescure, qui salue plusieurs avancées récentes : la création de l’Agence de l’innovation en santé (AIS), pilotée par Lise Alter, pour aligner le cadre juridique, financier et organisationnel avec des cycles d’innovation de plus en plus courts, l’inauguration du Paris Saclay Cancer Cluster (et d’autres bioclusters à venir) et le lancement de France BioLead pour fédérer la filière, dirigée par Laurent Lafferrère. Si la dynamique entrepreneuriale de la filière HealthTech est soutenue depuis 2002, avec un nombre de start-up multiplié par 6 (passant de 130 à 800 selon le Panorama France HealthTech 2022), les défis restent nombreux : structurer et mettre en relation les acteurs dans le sens d’un continuum, de la recherche fondamentale à l’usine ; former sur une diversité de métiers au plus proche des conditions industrielles, un enjeu que contribue à relever l’AMI Compétences et métiers d’avenir dans le cadre de France 2030 ; continuer de renforcer l’attractivité de la France pour les investisseurs internationaux, via notamment Choose France ; et mettre en place « un mode de financement viable dans la durée. » Sur l’ensemble de ces axes, Roland Lescure encourage les acteurs à remonter leurs propositions auprès de la mission interministérielle, lancée sous l’égide d’Elisabeth Borne, il y a quelques semaines.
Des avancées récentes
Dotée de 7 personnes (15 à terme), la structure agile que constitue l’AIS est « chargée d’équiper l’interministériel en matière de prospective et de veille en santé pour connecter tous les dispositifs mis en place au cœur de l’écosystème d’innovation » note Lise Alter. L’idée est de prioriser l’innovation pour avoir une feuille de route partagée. L’attention porte, dès l’amont, sur la recherche clinique, et va jusqu’à l’amélioration des bioprocédés, avec notamment un AAP « Industrialisation et capacités santé 2030 », ouvert jusqu’au 23 mai 2023. L’action de l’agence passe également par de l’accompagnement personnalisé. « Pour soutenir les 20 premières entreprises de santé, lauréates du programme Health20 de la FrenchTech, nous avons lancé un accès prioritaire ‘fast track’ auprès des autorités de santé pour accélérer l’autorisation de l’essai clinique, l’accès au guichet innovation de l’ANSM et les évaluations dans le cadre des HTA donnant lieu un remboursement » indique Lise Alter, qui a commencé un tour de France de l’innovation en santé. « Les pôles de compétitivité et les agences de l’état en région sont des acteurs majeurs permettant d’amplifier la réussite de l’agence et de participer à l’accélération de la transformation du système de santé. » De son côté, Laurent Lafferrère dit piloter « le réacteur qui va soutenir l’accélération » pour faire de la France le leader européen de la bioproduction. Il était la semaine dernière chez Servier Gidy, dans le Loiret, pour visiter le BIO-S, une nouvelle unité consacrée aux biomédicaments. Avec l’ambition de rassembler tous les acteurs de la chaîne, France BioLead se présente comme « le » partenaire de la filière au niveau national et international, et « l’interlocuteur de référence pour l’AIS », son proche voisin au sein du PariSanté Campus. Parmi les travaux en cours, il annonce la création d’un annuaire en ligne pour référencer les acteurs et donner de la visibilité, et la mise en place d’indicateurs de performance. Et pour catalyser l’innovation, plusieurs groupes de travail ont déjà été montés sur le financement, les aspects réglementaires (en collaboration avec l’AIS) ou encore les technologies de rupture pour améliorer la compétitivité, en lien notamment avec le « Programme d’équipement prioritaire de recherche » (PEPR), nouvellement créé.
Fédérer et renforcer l’efficience de la recherche
Le CEA et l’Inserm ont été missionnés pour la mise en place de ce PEPR, doté d’un budget de 80 millions d’euros sur sept ans. « L’objectif est de structurer la communauté scientifique de la recherche et faire émerger des technologies de rupture d’ici 5 à 10 ans dans le cadre du plan Innovation Santé 2030 » présente Anne Jouvenceau, directeur principal de la recherche à l’Inserm. Au-delà, les efforts visent à renforcer l’efficience de la recherche et positionner la France sur le plan académique et scientifique à un niveau international. Ce qui passe par la constitution de consortiums académiques de chercheurs et scientifiques, certains alliant plusieurs disciplines (biologie, IA, informatique, chimie ou encore physique), et travailler avec les intégrateurs industriels du Grand Défi, mais aussi le consortium COMBio piloté par Inserm Transfert et la SATT Sud-Est qui vise à renforcer la chaîne d’accompagnement des projets d’innovation à fort potentiel. « On a choisi de se focaliser sur les biothérapies les plus prometteuses et sur lesquelles on estime qu’il y a un retard à rattraper en termes de bioproduction, » précise Christophe Junot, chef du département médicaments et technologies pour la santé pour le CEA. Il s’agit notamment des anticorps monoclonaux, des cellules CAR-T, des anticorps conjugés (ADCs), des thérapies géniques et cellulaires, notamment émergentes basées sur les vésicules extracellulaires et sur l’ARN messager. L’enjeu est de muscler l’écosystème de la recherche académique au service de la bioproduction, mais aussi de relever les défis technologiques en étroite concertation avec les acteurs, notamment France BioLead, et anticiper les futures biothérapies innovantes avec leur mode de production. Le CEA et l’Inserm disent avoir déjà obtenu le feu vert gouvernemental pour 7 programmes ciblés sur 12, qui vont démarrer entre juin et septembre, avec l’ambition d’être le plus englobant possible sur le territoire national.
Marion Baschet Vernet