Medetia équilibre son modèle économique
Spécialisée dans les ciliopathies, la société Medetia, implantée au sein de l’Institut Imagine, applique une méthode de recherche originale, ayant abouti à la mise au point d’un premier candidat médicament, potentiellement efficace dans plusieurs pathologies. L’entreprise compte mettre à profit cette approche de découverte accélérée de molécules dans d’autres maladies rares, grâce à son récent partenariat avec Ipsen.
« Nous avons jusqu’ici bénéficié d’un alignement des planètes très favorable », reconnaît Jean-Philippe Annereau, CEO de Medetia (en photo à gauche), quand il considère le chemin accompli par la société qu’il a co-fondée en 2019 avec Luis Briseño-Roa (à droite), comme lui un ancien dirigeant d’Alexion R&D France. Les bonnes nouvelles se poursuivent, avec la récente signature d’un partenariat avec Ipsen, dans le cadre d’un nouveau programme, impliquant également Inserm Transfert, visant à accélérer la découverte de molécules actives pour le traitement de maladies rares. S’il s’agit du premier accord avec un industriel pharmaceutique, « l’esprit partenarial » a toujours guidé l’activité de la start-up, implantée depuis sa création au sein de l’Institut Imagine, IHU dédié aux maladies génétiques, adossé à l’hôpital Necker à Paris. « Dans les maladies rares, impossible de s’affranchir de l’expertise des médecins spécialistes, affirme Jean-Philippe Annereau. Nous voulions nous rapprocher des professionnels de santé et des centres de référence… mais aussi des patients, pour mieux comprendre et répondre à leurs besoins ».
Des premiers succès dans les ciliopathies
La start-up a construit une approche originale de découverte de médicaments, combinant biologie et IA. Elle l’a déjà mise à l’épreuve dans des ciliopathies, des maladies dans lesquels les cils des cellules, essentiels à leur bon fonctionnement, sont défaillants. Ses premiers travaux ont porté sur la néphronophtise, une pathologie rénale liée dans 20 à 30 % des cas à une délétion du gène NPHP1, impliqué dans le transport intracellulaire (1).
« En nous inspirant de ce qui a été fait dans la mucoviscidose, nous avons décidé de privilégier les petites molécules plutôt que la thérapie génique. Mais au lieu de partir de la cible moléculaire, nous avons adopté une approche de criblage phénotypique », raconte Jean-Philippe Annereau. En partenariat avec l’équipe de Sophie Saunier, directrice de recherche Inserm chez Imagine, les collaborateurs de Medetia ont testé des centaines de petites molécules sur des cellules rénales issues de malades et de personnes saines, récupérées dans leurs urines, pour tenter d’identifier celles qui permettent de restaurer un fonctionnement ciliaire normal. « Et nous nous sommes ensuite appuyés sur le savoir-faire des chercheurs d’Imagine pour décrypter le mécanisme d’action », complète Luis Briseño-Roa, chef de produit. MDT-110, la molécule développée par Medetia à partir d’un premier « hit », est un agoniste des récepteurs E2 de la prostaglandine. Elle permet, in vitro et sur des modèles animaux, de surmonter cette déficience.
Medetia s’est également intéressée aux ciliopathies rétiniennes, et en particulier à l’amaurose de Leber, qui présente des altérations des gènes NPHP6 ou CEP290. MDT-110 a ainsi été testée avec succès, in vitro sur des fibroblastes et in vivo sur des modèles murins de la maladie (2). S’appuyant sur ces résultats, les équipes préparent la poursuite du développement réglementaire de ce candidat-médicament dans une de ces deux premières pathologies. Mais elles envisagent aussi d’explorer son potentiel dans d’autres ciliopathies, notamment celles liées au vieillissement articulaire dans le cadre d’un projet européen.
Un soutien industriel pour explorer d’autres segments
Pas question pour autant de suivre la voie de tant de biotech, focalisées sur un seul actif destiné à être racheté par une big pharma dès la preuve de concept réalisée. Pour équilibrer son modèle économique, les dirigeants de Medetia ont conçu un programme de découverte de médicaments, dans d’autres segments des maladies rares, et qui serait soutenu par l’industrie. « De très nombreuses équipes académiques disposent de molécules ayant montré des premiers signes d’activité : peut-on les transformer en médicaments ? L’idée est de prospecter, d’analyser et de filtrer ces projets, d’aider à la maturation des plus prometteurs, et de créer un pont avec un laboratoire pharmaceutique qui cherche un angle d’attaque complémentaire sur les maladies rares et est prêt à accompagner des projets dès les stades précoces », décrit Jean-Philippe Annereau.
De là est né le programme Hybridge™, qui bénéficie de l’appui d’Inserm Transfert, et pour lequel un partenariat a été annoncé le 6 juin avec le laboratoire français Ipsen. L’industriel et Medetia ont prédéfini ensemble « une centaine » de maladies cibles, au-delà des ciliopathies. L’objectif affiché est un examen de 50 projets par an, dont un à trois pourraient être validés. Ipsen financera les études complémentaires nécessaires et pourra prendre des licences sur les molécules ainsi identifiées. Ce nouveau business modèle, lui aussi « dérisqué », devrait plus facilement séduire les investisseurs, espèrent les dirigeants de Medetia, qui entament la préparation de leur première levée de fonds.
Julie Wierzbicki
(1) Des travaux menés en partenariat par les équipes de Medetia, l’Université de Southampton et le Genomics England Research Consortium ont été publiés la semaine dernière dans Scientific Reports.
(2) Données présentées en poster (C14.3) le 11 juin dernier lors de la conférence de l’ESHG (European Society of Human Genetics)