Pherecydes bientôt en Bourse
Pherecydes lance son introduction sur Euronext pour financer les premiers développements cliniques de ses phages, pour le traitement d’infections bactériennes compliquées ou résistantes aux antibiotiques. Une demande d’ATU doit être déposée d’ici la fin du semestre.
Sept millions d’euros brut, huit en cas d’exercice de la clause d’extension. C’est la somme en apparence bien modeste qu’espère lever la société nantaise Pherecydes, spécialisée dans la lutte contre les infections bactériennes résistantes, en lançant le 20 janvier son introduction sur le marché boursier Euronext. En décembre dernier, elle avait bouclé auprès de certains actionnaires historiques un tour de financement pré-IPO de 1,5 M€. L’opération, qui se clôturera le 3 février, prend la forme d’une offre au public (en France) et d’un placement global ouvert aux investisseurs institutionnels (en France et dans certains autres pays). Les engagements de souscription par les actionnaires historiques et un nouvel entrant atteignent déjà les deux tiers de l’offre sur la base de 6 € par action.
Le marché visé par la technologie dite de « phagothérapie de précision » mise au point par Pherecydes est lui, gigantesque : les infections bactériennes résistantes aux antibiotiques concerneraient plus de 800 000 personnes par an aux Etats-Unis, plus de 670 000 en Europe. Pour l’heure la société, créée en 2006, se concentre sur trois bactéries (S. aureus, P. aeruginosa et E. coli) qui selon elle recouvrent les deux tiers des infections nosocomiales résistantes dans les pays industrialisés. « Les phages sont des prédateurs naturels de bactéries très spécifiques, explique Guy-Charles Fanneau de la Horie, CEO de la société. Ils se multiplient à l’intérieur de la bactérie ciblée : ainsi il n’est pas nécessaire d’administrer le traitement plusieurs fois. »
Production des lots BPF en cours
Aucun essai clinique n’a encore été lancé mais Pherecydes dispose déjà de données chez l’homme. 22 patients en France ont en effet bénéficié d’une mise à disposition gratuite de phages produits par la société dans ses installations de R&D de Romainville, à la demande de centres hospitaliers, dans un cadre d’accès compassionnel validé par l’ANSM. Les souches bactériennes adressées par les hôpitaux sont soumises au Phagogramme, autre technologie développée par la société, pour identifier le phage le plus efficace contre l’infection.
Dès le 2e semestre 2021, Pherecydes veut passer à l’étape suivante, celle de l’ATU de cohorte – qui deviendra dans quelques mois l’autorisation d’accès précoce (LFSS pour 2021) – pour ses phages contre Staphylococcus aureus et Pseudomonas aeruginosa. 2 300 patients pourraient en bénéficier. « Un comité scientifique spécialisé temporaire de l’ANSM, réuni en 2019, nous avait déjà donné son aval, dès que nous serions en mesure de produire nos phages en conditions de bonnes pratiques de fabrication », rappelle Philippe Rousseau, directeur des opérations de la société.
Cette production, effectuée sur des souches bactériennes spécifiques, est aujourd’hui en cours, réalisée par une CDMO prestataire tchèque, les étapes de contrôle étant confiées à d’autres partenaires, notamment français. L’indemnité qui sera demandée dans le cadre de l’ATU n’a pas encore été fixée, mais devrait être d’un ordre de grandeur similaire à celui des antibiotiques de dernière génération : la société commencera ainsi à générer du chiffre d’affaires. « Cela nous permettra aussi d’éduquer le marché français à la phagothérapie de précision : c’est une façon de pré-commercialiser le produit », commente Philippe Rousseau.
Cinq à six essais cliniques lancés d’ici deux ans
L’autre principal événement attendu en 2021 est le lancement du programme de développement clinique européen. Trois essais de phase I/II devraient démarrer avant la fin de l’année. Le premier, conduit par Pherecydes, portera sur l’utilisation de phages contre S. aureus dans les infections ostéo-articulaires sur prothèses (jusqu’à 2 % des prothèses de hanche et 3 % des prothèses de genou). Les premiers résultats sont attendus fin 2022. Des résultats « exceptionnels » ouvriraient la porte à des discussions avec l’EMA en vue d’une AMM conditionnelle, sinon le développement se poursuivra plus classiquement par une phase III.
Deux autres études, cette fois à promotion hospitalières (financées par un PHRC), devraient également être lancées cette année dans cette indication et dans l’ulcère du pied diabétique. D’autres lancements d’essais dans d’autres indications et avec des phages ciblant d’autres bactéries sont d’ores et déjà annoncés pour fin 2022 et début 2023. « D’ici 18 à 24 mois, il y a aura cinq ou six essais cliniques en cours », se réjouit Philippe Rousseau. De quoi positionner la société parmi les plus avancées au monde dans le paysage de la phagothérapie, de plus en plus concurrentiel.
Julie Wierzbicki