Servier se projette vers 2030
Malgré un contexte mondial compliqué, les dirigeants de Servier ont affiché leur satisfaction et leur confiance lors de leur conférence de presse annuelle organisée le 2 février pour la présentation de leurs résultats financiers. L’occasion de revenir sur la transformation du laboratoire français et de tracer quelques perspectives à horizon 2030.
Un chiffre d’affaires consolidé à 4,88 Mds€ en hausse de 9,8 % (+6,6 % à taux de change constant) et un EBITDA en croissance de 34,6 % : l’exercice 2021-2022 (clos au 30 septembre 2022) a bien réussi au groupe Servier, deuxième laboratoire pharmaceutique français. L’activité médicaments princeps progresse de 12,5 % à 3,69 Mds€ et celle des génériques (sous la marque Biogaran) de 2,0 % à 1,18 Md€ ; celle-ci représente désormais moins d’un quart du CA global. « Ces résultats confirment la trajectoire de transformation du groupe », a résumé le président de Servier, Olivier Laureau, en introduction de la conférence de presse annuelle le 2 février 2023.
La croissance du groupe repose sur une forte dynamique internationale, avec notamment une hausse de 55 % (à tcc) du CA aux Etats-Unis, désormais première filiale du groupe pour les médicaments princeps. Par ailleurs, les dirigeants se sont engagés à reverser les bénéfices générés par leur activité en Russie sur l’exercice 2021-2022, soit 12 M€, au profit de l’Ukraine.
Ancrage conforté en France
« 96 % de notre chiffre d’affaires est réalisé hors de la France, mais c’est en France que nous investissons le plus en R&D et en production », rappelle Olivier Laureau. Près de 400 M€ ont déjà été investis dans la création de l’Institut de R&D Servier Paris-Saclay, qui accueillera dans quelques jours ses premiers collaborateurs. Des discussions sont en cours pour étudier les possibles synergies avec le Paris Saclay Cancer Cluster. Parallèlement, « nous synthétisons 85 % de nos principes actifs en France », souligne fièrement Olivier Laureau. Depuis 2021, plus de 100 M€ ont été investis sur le site d’Oril Industrie en Normandie pour renforcer la production du principe actif du Daflon® (traitement de l’insuffisance veineuse). Celui-ci demeure le premier médicament du groupe, avec des ventes toujours en hausse (+14 % à 552 M€). Si Servier a renoncé à la R&D dans l’aire cardio-métabolisme, il continue à développer de nouvelles formulations, pour améliorer l’observance.
Le « rééquilibrage » de la R&D du groupe vers l’oncologie commence à porter ses fruits, avec sept médicaments déjà commercialisés, générant des ventes en hausse de 35,4 % (à tcc) à 848 M€. Celles-ci sont notamment tirées par Tibsovo® (256 M€), lancé aux Etats-Unis en 2021 dans le traitement de 2e ligne du cholangiocarcinome IDH1 muté, et qui a obtenu depuis des extensions d’indication dans la leucémie myéloïde aiguë. Des AMM européennes pour ces deux cancers sont espérées pour l’été 2023. Le premier médicament du groupe reste toutefois le Daflon®.
Relais de croissance en immuno-inflammation et neurologie
Mais Servier investit déjà dans ses relais de croissance, en oncologie et au-delà, avec un pipeline de 75 projets dont 43 déjà en phase clinique. Outre l’oncologie (avec 6 Mds€ déjà investis ces cinq dernières années), le groupe compte miser sur l’immuno-inflammation et la neurologie (21 projets en R&D dont 6 déjà en clinique) : « des aires thérapeutiques dans lesquelles nous commercialiserons de nouveaux produits à partir de 2030 », anticipe Claude Bertrand, vice-président exécutif R&D. L’effort déjà initié dans le digital et l’IA se poursuivra, « pour augmenter la prédictibilité du succès de nos molécules » et aller plus vite jusqu’au marché. « Et nous comptons continuer à procéder à des acquisitions de sociétés ou de licences, pour des produits en phase précoce ou déjà commercialisés, pour compléter notre portefeuille et assurer la pérennité du groupe », assure Olivier Laureau. De quoi projeter pour 2030 un chiffre d’affaires de 8 Mds€ et un ratio EBITDA/ CA presque doublé à au moins 30 %.
Julie Wierzbicki
Crédit photo ©olivierdupontrenoux