Un Tour de France de la bioproduction
Douze clusters régionaux mènent actuellement le French Bioproduction Tour. Un événement visant à mieux mettre en valeur les expertises régionales de cette filière stratégique pour l’avenir sanitaire du pays.
La France est en retard, mais elle compte bien remonter au classement. On le sait, le secteur de la bioproduction est l’un de ses talons d’Achille en matière de filière industrielle santé. En 2017, sur 97 biomédicaments autorisés en Europe, 6 seulement étaient produits ou prévus de l’être en France. Et moins de 10% des anticorps monoclonaux actuellement utilisés par le système de santé sont fabriqués sur le territoire hexagonal. Pourtant, célébré pour la qualité de ses chercheurs et de ses professionnels de santé, le pays a tous les atouts pour réussir. Plus de 30 sites sont aujourd’hui dédiés à la bioproduction, détenus par des grands groupes industriels ou des façonniers. Le dynamisme des start-ups et des entreprises de biotechnologie offre des perspectives prometteuses… à condition de transformer l’essai vers la phase d’industrialisation. L’enjeu de la bioproduction est au cœur de la feuille de route des pouvoirs publics en matière de réindustrialisation. Mais il est surtout porté, à l’échelle des territoires, par les 12 pôles de compétitivité et clusters qui accompagnent les entrepreneurs de l’innovation en santé.
Sept étapes virtuelles
Depuis le 11 décembre, et jusqu’au 24 mai, ils sont à l’initiative d’un projet inédit : le French Bioproduction Tour. Sept étapes sont prévues, dans sept villes de France, pour des événements virtuels organisés par les différents clusters, ensemble ou séparément. But de l’opération : promouvoir les acteurs régionaux de la bioproduction, dans un contexte où la plupart ont su faire preuve d’une forte résilience face à la crise sanitaire. « Chacune des régions présente des atouts spécifiques en matière de bioproduction, explique Julien Ettersperger, responsable innovation santé à Medicen Paris Region et co-organisateur du French Bioproduction Tour. L’objectif est de mettre en exergue leurs expertises, de partager les bonnes pratiques et de construire ensemble l’avenir d’une filière absolument stratégique pour la santé de nos concitoyens. »
Le réseau des intégrateurs industriels
Atlanpole Biothérapies (Bretagne et Pays-de-Loire), Polepharma (Centre-Val-de-Loire et Normandie), Lyonbiopole et Mabdesign (Auvergne-Rhône-Alpes), Allis NA (Nouvelle-Aquitaine), Clubster NSL, (Hauts-de-France), Pôle des Microtechniques (Bourgogne-France-Comté), BioValley France (Grand-Est), Medicen Paris Région, Adebiotech et Genopole (Ile-de-France), Eurobiomed (Provence-Alpes-Côte d’Azur)… les pôles de compétitivité maillent une grande partie du territoire national. Ils deviennent des ”marques”, attestant du formidable vivier d’entreprises positionnées sur les biotechnologies, et qui ont besoin d’un accompagnement au long cours pour réussir leur croissance. De nombreuses expertises se trouvent dans toutes les Régions de France et des pôle d’excellences ont reçu le label ”Intégrateur Industriel” du programme Grand Défi : « Ce réseau d’intégrateurs industriels vise a favoriser les rencontres entre les porteurs de nouvelles technologies et les industriels et médecins qui en ont besoin, c’est une brique essentielle pour parvenir à atteindre l’objectif fixé par les pouvoirs publics : faire de la France le leader de la production de biomédicaments en Europe », explique Emmanuel Dequier, directeur du « Grand Défi Biomédicaments : améliorer les rendements et maîtriser les coûts de production ».
Une feuille de route au printemps
Le French Bioproduction Tour est soutenu par le Grand Défi Biomédicaments, mais également par l’initiative Biomédicaments du Contrat de filière santé Industrie et Technologies de santé (CFS-ITS), le LEEM et France Biotech. « L’écosystème de la bioproduction a besoin de soutien et de visibilité, au moment où nous préparons la feuille de route des prochaines années pour la filière de la bioproduction, indique Jacques Volckmann, président du Board de l’Initiative Bioproduction du CSF-ITS. Cet événement y contribue, quand il faut accélérer la dynamique, mieux structurer les enjeux à relever et permettre aux entrepreneurs de se projeter vers l’avenir. »
Anticiper les technologies du futur
Emmanuel Dequier et Jacques Volckmann sont les artisans d’une ambition pour structurer la filière : la création d’une structure qui a aujourd’hui pour nom de code Alliance France Bioproduction. « Notre action a vocation à identifier les leviers pour bâtir l’écosystème de la bioproduction, précise Emmanuel Dequier. L’alliance permettra de donner plus de visibilité à la filière française, mais également de coordonner les partenariats scientifiques de nature à anticiper les technologies nécessaires à la production des biomédicaments de demain et enfin de faciliter la mise en relation avec les instances réglementaires nationales et européennes. » « La France est en retard sur le spin-offage de ses jeunes entreprises de biotechnologie, par rapport aux Américains par exemple, complète Jacques Volckmann. Mais toutes les pièces du puzzle sont là, il faut les assembler. »
Améliorer la productivité
Plusieurs défis sont à relever dans la décennie qui s’ouvre. Le premier consiste à augmenter la part des enregistrements de biomédicaments à partir de la France auprès des autorités européennes. «C’est essentiel, car c’est souvent un préalable à l’industrialisation. 5% seulement des produits sont aujourd’hui fabriqués en France, il faut viser 20%, ajoute Jacques Volckmann. C’est un objectif atteignable d’ici à 2030. » Autre enjeu : améliorer la productivité de certains produits innovants afin de rendre leur coût plus acceptable par la collectivité, avec, par exemple, l’objectif d’augmenter celle des anticorps monoclonaux d’un facteur 100. « Il faut également poursuivre les efforts actuels pour rendre plus attractives les conditions de fabrication de médicaments et produits de santé sur notre territoire, souligne Emmanuel Dequier. La part des CDMO, notamment, même si elle progresse, n’est pas suffisante actuellement pour offrir des capacités industrielles immédiates pour les jeunes entreprises de biotechnologie, ce qui ralentit leur développement. »
Une question de souveraineté
Fédérer les expertises, soutenir les projets innovants, donc, mais également faire mieux connaitre le défi de la bioproduction auprès du grand public : tels sont les actions portées par les promoteurs du Grand Défi. « La filière biomédicaments est essentielle, c’est une question industrielle mais aussi de souveraineté car de nombreuses innovations destinées à améliorer la santé des français, sont des biomédicaments », rappelle Emmanuel Dequier. « En 2030, 50% des médicaments prescrits seront des biothérapies, conclut Jacques Volckmann. Si nous ne sommes pas capables d’en produire une grande partie, nous serons soumis aux aléas des marchés mondiaux, avec des risques majorés en termes d’accès à ces produits, de soutenabilité financière et de disponibilité des stocks. »
Hervé Réquillart