VIH : un premier traitement injectable à action longue arrive en France
Le laboratoire ViiV Healthcare annonce le prochain remboursement en France de la combinaison de Vocabria® et de Rekambys® sous formulations injectables bimestrielles. Une avancée galénique qui offre une nouvelle perspective de prise en charge moins contraignante pour les personnes vivant avec le VIH, stabilisées sous traitement oral quotidien.
C’est une « forte attente de la part des patients vivant avec le VIH », selon le Pr Gilles Pialoux, chef du service des maladies infectieuses de l’Hôpital Tenon, qui va se retrouver comblée. Ceux d’entre eux dont la charge virale est stabilisée sous traitement oral devraient en effet avoir prochainement la possibilité de basculer vers un traitement injectable à action prolongée. Lors d’une conférence de presse le 8 novembre à Paris, le laboratoire ViiV Healthcare (co-entreprise entre GlaxoSmithKline, Pfizer et Shionogi) a annoncé le prochain remboursement (l’inscription au Journal Officiel est attendue d’ici la fin du mois) de son traitement injectable associant son Vocabria® (cabotégravir) et Rekambys® (rilpavirine) de Janssen (1), après une AMM européenne obtenue en décembre dernier.
Mariel Mayer, directrice médicale de ViiV Healthcare pour la France et la Belgique (en photo), rappelle que les objectifs ont évolué entre les tout premiers médicaments (AZT) dans les années 80, où le but était de retarder la progression de la maladie, et les traitements combinés en comprimé à prise quotidienne unique, permettant de maintenir la réplication du virus à des niveaux indétectables. « Aujourd’hui que l’espérance de vie d’un patient sous traitement correspond à celle d’une personne non-infectée par le VIH, la préoccupation est d’améliorer la qualité de vie sur le long terme », souligne-t-elle.
Un changement à la demande des patients
Selon le Pr Pialoux, la prise quotidienne de comprimés est perçue par le patient comme un rappel journalier de sa séropositivité et est associée à une peur de la stigmatisation ou de devoir divulguer sa séropositivité. A l’inverse, selon une enquête menée auprès des patients de l’hôpital Tenon, 65 % de ceux qui pourraient être concernés par ce nouveau traitement se disent prêts à basculer d’une thérapie orale quotidienne à une thérapie injectable longue durée. « Bien sûr, il peut y avoir une inquiétude de la part des patients à l’idée de changer de traitement quand tout se passe bien, reconnaît Gilles Pialoux. La bascule se fera à la demande des patients, plutôt que sur proposition des cliniciens. »
En pratique, les deux molécules seront administrables par injection intramusculaire par une infirmière en ville, après une période d’initiation à l’hôpital et éventuellement une phase d’instauration de la thérapie en comprimés par voie orale – cette dernière ayant été rendue optionnelle par une décision de l’EMA du 28 octobre dernier. Une attention particulière devra être accordée au suivi de l’observance de ces injections.
Nombreux développements en cours
Cette association pourrait n’être que la première d’une série de formulations à action longue. Chez ViiV Healthcare, comprimés à libération prolongée, auto-injecteurs ou encore implants sont à l’étude. Des formulations longues pourraient aussi être rapidement utilisées dans une stratégie de prévention de l’infection au VIH. Le cabotégravir à injections bimestrielles fait actuellement l’objet d’une évaluation prioritaire par la FDA dans une indication de pré-exposition (PrEP) : la décision est attendue pour fin janvier prochain. Et la concurrence n’est pas en reste : le lénacapavir de Gilead (1) est en cours d’examen par l’EMA, en formulation injectable sous-cutanée à administrer tous les six mois, en association avec un ou plusieurs autres antirétroviraux, cette fois chez des patients porteurs du VIH multirésistants en échec de traitement.
Julie Wierzbicki
(1) Le cabotégravir est un inhibiteur de l’intégrase, empêchant la réplication du VIH ; la rilpavirine est un inhibiteur non-nucléosidique de la transcriptase inverse, qui bloque la multiplication du virus. Le lénacapavir est un inhibiteur de capside, agissant à plusieurs stades du cycle de réplication du VIH.