Covid-19 : le HDI veut optimiser l’exploitation des données
Lors du 6e HDI Day, le think tank Healthcare Data Institute a présenté neuf recommandations pour une meilleure utilisation des données de santé dans la réponse aux crises sanitaires, centrées sur les outils numériques, le partage et la transparence, et le jeu collectif.
Qui doute encore de l’importance des données de santé pour gérer les pandémies ? La crise du Covid-19 peut servir de cas d’école. Connaissances sur la maladie (symptomatologie, modes de transmission), diagnostic, organisation des soins (suivi en temps réel du nombre de lits de réanimation disponibles)… « C’est la première fois en infectiologie et en santé publique que l’on voit tomber une telle masse de données de toutes origines et de toutes natures », observe Alain Pluquet, vice-président de l’Institut Mérieux, lors de la sixième édition du HDI Day, colloque organisé le 18 novembre par le think tank Healthcare Data Institute (HDI). Un exemple parmi d’autres : « Le Covid-19 est la première épidémie pour laquelle le suivi des contaminations individuelles est généralisé de façon exhaustive », note Aurélien Rousseau, directeur de l’ARS Ile-de-France.
Les difficultés aujourd’hui sont moins liées au volume qu’à la qualité. « La qualification des données que l’on recueille est loin d’être simple », souligne-t-il. Senior Principal chez IQVIA, Stéphane Sclison pointe, sur le volet des données individuelles, un défaut de formatage et de structuration, et un problème de champs sur les données populationnelles. « Ces deux axes représentent des défis énormes, totalement différents mais nécessaires pour affronter les pandémies. »
Assurer la continuité des soins et des essais cliniques
Dès le début de la première vague, le HDI s’est mobilisé en créant une task force dédiée à la lutte contre le Covid-19, avec pour objectif de dégager des recommandations pour l’exploitation utile des données récoltées ou générées durant la pandémie. Parmi les préoccupations émergées dès le printemps, « la discontinuité des soins a été décrite par toutes les personnes auditionnées par la task force. Et ce malgré l’essor de la téléconsultation, qui n’a pas permis de répondre à tous les besoins et d’assurer le suivi de tous les patients chroniques », rapporte Caroline Henry, membre du conseil d’administration de HDI et copilote de la task-force. La rupture des soins paramédicaux a également eu un impact considérable pour les patients. Les associations de patients, elles, « ont été peu voire pas écoutées, alors que leur rôle et capital », ajoute-t-elle. Côté recherche, la plupart des essais cliniques hors-Covid ont été interrompus et certains n’ont même pas été lancés. Les quatre premières recommandations de la task force visent ainsi à répondre à ces différents écueils, en accélérant le déploiement de la télésurveillance, en facilitant l’accès au DMP des patients pour les médecins participant à la permanence des soins, en impliquant les associations d’usagers dans la réponse aux crises sanitaires et en favorisant le suivi à distance des essais cliniques.
Mieux associer les acteurs privés
Le deuxième enjeu majeur identifié par la task force est l’utilisation des données dans le pilotage des crises sanitaires. Elle préconise le développement d’une « stratégie de la donnée de santé », tant en France qu’en Europe, le recours au multi-sources pour détecter les signaux faibles et l’adoption d’une culture de l’accès ouvert. « Il est nécessaire, raisonnable et urgent que les acteurs privés soient associés à la planification des crises sanitaires et que les données soient partagées avec eux », estime Caroline Henry. Le troisième axe est celui du « jeu collectif ». « Sous une pression sanitaire extrême, les collaborations s’établissent beaucoup plus rapidement », remarque Christian Deleuze, directeur général de Sanofi Genzyme France et président du HDI. « On a vu des convergences d’acteurs qui ne se parlaient jamais, dans tous les pays d’Europe », se réjouit Franck Le Meur, président de TechToMed. Parmi les initiatives mises en avant au cours du colloque figure celle du laboratoire d’open innovation JOGL (Just One Giant Lab). Son directeur général Thomas Landrain plaide pour une reconnaissance de la « légitimité de ces initiatives, au même titre que les start-up ». Mais pour la task force du HDI, l’impact de ces nouveaux modes de collaboration, émergés à la faveur de la crise et souvent sans modèle économique, devra, lui aussi, être évalué.
Julie Wierzbicki