Les maladies ultra-rares à la recherche d’un modèle économique
Alors que se prépare activement le 4e plan national maladies rares, l’édition 2023 des rencontres biennales RARE a été l’occasion pour la communauté de saluer les progrès accomplis ces dernières années en matière d’innovation thérapeutique. Tout en rappelant que 95 % de ces pathologies demeurent orphelines de traitement, notamment les moins fréquentes.
L’innovation thérapeutique sera l’un des principaux axes du quatrième plan national maladies rares (PNMR), a assuré Guillaume Canaud, néphrologue à l’hôpital Necker et l’un des deux responsables, avec la pédiatre Agnès Linglart, de la préparation du plan, lors des rencontres RARE 2023 organisées à Paris les 3 et 4 octobre. Le PNMR4 devrait être officiellement lancé au premier trimestre 2024. Avec près de 3 millions de personnes touchées, les maladies rares « sont une des premières causes de maladies en France », a rappelé Hélène Berrué-Gaillard, présidente de l’Alliance maladies rares, en introduction des rencontres. Mais elles représentent aussi un véritable défi thérapeutique.
Dans certaines des 6 300 pathologies identifiées à ce jour – les plus fréquentes et les mieux connues, à l’instar de la mucoviscidose ou de l’amyotrophie spinale – les cliniciens ont désormais le choix entre plusieurs médicaments efficaces. Mais pour 95 % d’entre elles, il n’existe encore aucun traitement autre que symptomatique. 84 % sont dites « ultra-rares », concernent moins d’une personne sur un million. Et selon Serge Braun, directeur scientifique de l’AFM-Téléthon, « les développements dans ces indications sont en chute libre ».
L’AFM-Téléthon propose un fonds dédié
« Faute de perspective de modèle commercial rentable, nous sommes dans une impasse », constate Christian Cottet, ancien directeur général de l’AFM-Téléthon. Pour en sortir, l’association avait proposé en février dernier, à l’occasion de la journée mondiale des maladies rares, un fonds de financement baptisé Fiturare, dédié au développement de thérapies dans les maladies ultra-rares sans solution thérapeutique. Une proposition détaillée par Christian Cottet lors d’une conférence de presse organisée dans le cadre de RARE. « Le fonds s’adresserait aux projets trop peu attractifs pour des investisseurs traditionnels, afin de les accompagner jusqu’à la prescription compassionnelle. En France celle-ci est désormais bien encadrée, il ne manque que les moyens et une décision politique », assure-t-il. La tarification des traitements ainsi mis à disposition devrait différer du modèle actuel et reposer largement sur les coûts réels de développement, de production et de mise à disposition. « Un tel système serait bien plus efficace s’il était conduit à l’échelle européenne, reconnaît-il, mais il faut déjà prouver que cela peut fonctionner en France. »
L’industrie mise sur les partenariats public-privé
Pour atteindre un objectif d’abondement de Fiturare de 50 à 100 millions d’euros par an, « l’assurance maladie pourrait intervenir, puisque l’on serait à la charnière de la recherche et du soin », déclare le représentant associatif. L’industrie pharmaceutique devrait également y contribuer, soit sous forme d’une « mini-taxe », soit par le reversement d’une partie du trop-perçu lors de la mise à disposition d’un médicament en accès précoce.
Présidente du comité maladies rares du Leem, Catherine Raynaud se montre dubitative sur la pertinence d’une telle proposition, estimant qu’elle ne résoudrait pas le problème de la rentabilité de ces médicaments. « Il faut réfléchir tous ensemble à un modèle économique viable », insiste-t-elle. Elle cite ainsi en exemple le consortium américain Bespoke Gene Therapy, qui rassemble des partenaires des secteurs public, privé et sans but lucratif (dont le français Généthon, bras armé de l’AFM-Téléthon) pour favoriser le développement de thérapies géniques dans des pathologies géniques touchant des populations trop petites pour que leur développement commercial soit soutenable.
Julie Wierzbicki