Covid-19 L’innovation pour mieux comprendre la crise… et ses effets sanitaires
Les opérateurs de l’innovation en santé rivalisent de créativité pour mieux documenter le Covid-19 en « vie réelle » chez les patients… mais également les dommages collatéraux qu’il provoque dans les retards de prise en charge des maladies chroniques. Trois exemples avec moncovid-19, la ligne C et alcov2.
Moncovid19.fr : construire la mémoire de la pandémie
Cette plate-forme de témoignages vidéos et/ou audio en ligne a été lancée mi-avril par la société InAdvans, une entreprise de solutions digitales en santé. Fondée par Hubert Méchin, médecin et acteur connu de la recherche clinique, la société finance « sur fonds propres » cette initiative destinée à participer à la « mémoire collective de l’épidémie ». « J’ai eu l’idée de proposer cette vidéothèque en découvrant sur les réseaux sociaux la force et l’impact considérable des témoignages portés par de nombreux patients atteints par le Covid-19. Cette expérience patient s’annonce fondamentale pour mieux comprendre la vie naturelle de l’épidémie et enrichir des travaux d’études, notamment en sciences sociales, afin de faire avancer la recherche. » En deux semaines, plus d’une centaine de patients ont mis leur témoignage en ligne. « Ils sont libres de dire ce qu’ils souhaitent, mais nous leur proposons un tutoriel pour guider leur contribution s’ils le souhaitent. L’objectif est de produire des données qualitatives, qui pourront ensuite être utiles pour des analyses épidémiologiques ou sociologiques. » Nature et durée des symptômes, impact de la maladie sur la vie quotidienne, état psycho-social, prise ou non de médicaments prescrits ou en automédication… chacun est invité à produire des posts de 3 à 4 minutes au rythme souhaité. Encadré par un comité scientifique de sept experts (patients, médecins, chercheurs), moncovid19.fr entend contribuer, par la suite, aux travaux des chercheurs intéressés. « Chaque étude fera l’objet d’un protocole rigoureux, soumis aux patients, qui pourront ou non accepter que leur témoignage soit exploité. »
moncovid19.fr
La Ligne C : à l’écoute des patients chroniques
Durant le confinement, et face au phénomène marqué de renoncement aux soins chez de nombreux patients, il fallait réagir. Un collectif de patients, associés à des médecins dont certains déjà engagés depuis longtemps aux côtés des porteurs du VIH, a créé fin mars la ligne C, un service téléphonique dédié au soutien et à l’accompagnement des patients chroniques. « Ce n’est pas une consultation téléphonique, mais un dispositif d’écoute pour ceux qui s’interrogent sur les liens entre leur pathologie et le Covid-19, explique Patrick Papazian, médecin et dirigeant de l’Agence Inclusive, qui participe au projet. C’est un outil de réassurance pour des personnes que les medias ne cessent de qualifier de fragiles, ce qui contribue à leur angoisse et, pour certains, à une moins bonne observance de leurs traitements. » Montée en moins d’une semaine, et notamment soutenue par Amgen, la ligne C fonctionne grâce à 50 bénévoles, dont 40 écoutants qui se relaient 7j/7, de 9h à 17h. « Le 11 mai, jour de déconfinement, nous avons reçu de nombreux appels, dont beaucoup portaient sur des questions médico-légales, par rapport aux autorisations de sortie et aux risques de reconfinement pour les personnes infectées. » Grâce à un partenariat avec l’association Juris Santé, les écoutants sont formés pour informer et rassurer des patients inquiets pour l’avenir. « Nous allons poursuivre cette initiative citoyenne et passer à une ligne C 2.0 avec une approche multi-media, précise Patrick Papazian. Et nous souhaitons également contribuer à l’enrichissement des données de vie réelle sur le Covid-19, car les témoignages des patients peuvent aider à mieux comprendre l’histoire de la maladie. »
La ligne C : 01 41 83 43 06
Alcov2 : connaitre la contamination au sein des foyers
Lancée le 27 avril, et conduite par les chercheurs de Sorbonne Université avec la collaboration d’équipes du CNRS, du Collège de France et d’Oxford University, l’enquête Alcov2 vise à interroger les foyers français sur le nombre de personnes ayant ou n’ayant pas ressenti de symptômes potentiellement liés à l’infection Covid-19, leurs facteurs de risque, le tableau clinique précis de chaque cas et surtout, pour chacun de ces cas, la date d’apparition des premiers symptômes. Une initiative rejointe par datacraft, un club regroupant des data scientists et fondé par Isabelle Hilali. « Alcov2 va permettre de développer un algorithme capable de calculer la probabilité d’avoir été malade du Covid-19 en fonction des symptômes ressentis et des facteurs de risque, explique-t-elle. L’étude offrira également une estimation fine des paramètres cruciaux de la transmission du virus, en particulier les variations du taux d’infection au cours du temps écoulé depuis l’infection et la fréquence des asymptomatiques. » Grâce à son réseau d’expertise, datacraft a également suggéré la diffusion en parallèle du questionnaire auprès d’un panel de 10 000 foyers, grâce au concours grâcieux de Bilendi (spécialiste de la collecte de données et opérateur de panel en ligne) et de l’institut de sondage BVA. « Face aux incertitudes scientifiques qui persistent, et à la difficulté de maîtriser l’épidémie, les résultats d’Alcov2 sont très attendus par la communauté des chercheurs, afin de mieux comprendre la circulation du virus au sein des foyers français », conclut Isabelle Hilali.
Hervé Réquillart