Le JEDI à l’attaque du SARS-CoV-2
Le JEDI Grand Challenge Billion Molecules against Covid-19, lancé par l’initiative européenne JEDI, vise à mutualiser les compétences pluridisciplinaires pour accélérer la découverte d’un traitement contre le virus.
C’est une compétition inédite qui vient d’être lancée. S’inspirant de la DARPA américaine*, JEDI (Joint European Disruptive Initiative) propose de mettre en concurrence des dizaines d’équipes pluridisciplinaires du monde entier pour identifier dans des délais records un nouveau traitement contre le Covid-19. « Plusieurs initiatives de repositionnement de médicaments sont en cours à travers le monde, mais les essais ne portent que sur une poignée de composés. Grâce aux nouveaux outils dont nous disposons – intelligence artificielle, supercalculateurs… – l’idée est venue aux milliers de scientifiques regroupés par JEDI de tester des millions de molécules », rapporte André Loesekrug-Pietri, directeur de JEDI, à l’origine du projet. Lancé officiellement le 1er mai (déjà 33 équipes candidates au 28 avril), le Covid19 Grand Challenge bénéficie du partenariat du Fonds AXA pour la Recherche et de Merck. En plus d’une dotation financière, le laboratoire allemand mettra à disposition des candidats « l’une des plus importantes chimiothèques au monde ».
Un milliard de molécules in silico
Dans sa première phase, les équipes auront à modéliser in silico pas moins d’un milliard de molécules, grâce aux puissances de calcul que leur apporteront les instituts et industriels partenaires du projet. Elles devront en extraire une liste de 10 000, classées selon leur affinité avec trois protéines virales du SARS-CoV-2 qu’elles choisiront parmi la vingtaine identifiée. L’équipe lauréate empochera 250 000 euros. En contrepartie, les travaux devront être rapidement et largement diffusés : « Notre objectif est que ces résultats soient partagés avec le monde entier », insiste André Loesekrug-Pietri.
Le comité scientifique de JEDI établira à partir de ces résultats une liste commune de 10 000 molécules. Dans une deuxième phase, celle-ci sera soumise à de nouvelles équipes pour que les composés soient synthétisés ; les 100 plus prometteurs seront testés in vitro. L’objectif est d’identifier la ou les molécules dont les propriétés en feront un candidat idéal pour être testé sur des modèles animaux puis chez l’homme, avec là encore à la clé une prime de 250 000 €.
Liberté et rigueur
Un troisième volet du projet, qui se déroulera en parallèle des deux premiers, consistera cette fois à identifier un cocktail de molécules – parmi les quelques 3 000 déjà approuvées par la FDA – efficace et sûr contre le Covid-19. « Là, c’est vraiment le « moonshot », la vraie rupture », s’enthousiasme André Loesekrug-Pietri, annonçant un prix pouvant aller jusqu’à un million d’euros pour le vainqueur. A toutes les étapes du concours, « nous fournissons aux équipes l’objectif et les moyens, mais nous leur laissons la plus grande liberté possible dans la méthode, à condition de conserver une rigueur scientifique absolue. Au-delà du Covid-19, le but est bien de faire évoluer les process pour accélérer les découvertes. »
Julie Wierzbicki
(*) Agence d’innovation rattachée au département de la Défense américain, à l’origine notamment d’Internet et du GPS.