Numérique en santé : l’IGAS s’en mêle
Trois ans après sa création et au moment où ses deux pilotes, Dominique Pon et Laura Létourneau, la quittent, la Direction ministérielle du numérique en santé dresse un bilan positif de la transformation digitale du système de santé. Les créations du Si-Dep, d’une identité nationale de santé (INS) ou de Mon Espace santé sont au rang des réussites. De nombreux défis restent à mener dont l’interopérabilité des logiciels métiers et la gouvernance qui gagnerait à être plus claire. Ce dernier point fait l’objet d’une mission Igas.
Au terme de trois ans de travail, de 4 tours de France, de 10 ateliers citoyens, la délégation ministérielle du numérique en santé s’autorisait à l’autosatisfecit, le 23 juin, à l’occasion du 7e conseil du numérique en santé. Au moment de passer la main à Raphaël Baufret et à Héla Ghariani, qui « assureront une transition pendant plusieurs mois », les deux pilotes du numérique en santé Dominique Pon et Laura Létourneau, ont dressé le bilan de la feuille de route qui a permis de poser les jalons d’une profonde transformation numérique du système de santé français.
« Il y a trois grandes révolutions qui ont donné naissance aux civilisations dans l’histoire de l’humanité : l’invention de la roue, celle de l’écriture et aujourd’hui le numérique, affirme Dominique Pon. Bien qu’effrayée par les Gafam et le modèle chinois, nous avons montré que la France, à son échelle, était capable de construire son propre modèle, dans un cadre éthique. »
De nombreuses réussites
Dans un bilan mis en ligne, la Délégation numérique en santé liste les grands chantiers qui ont vu le jour grâce notamment aux financements importants du Ségur numérique (2 milliards d’euros) et de la Stratégie d’accélération santé numérique (670 millions d’euros). Ces trois dernières années, ont vu le jour le Health Data Hub dont la mission est de faciliter le partage des données de santé pseudonymisées, l’identité nationale de santé (INS) dont dispose désormais chaque patient, l’application carte Vitale qui permettra bientôt aux citoyens de remplacer la carte physique et de se connecter de manière sécurisée à différents services numériques en santé, une carte des professionnels de santé dématérialisée…
Le lancement en mai 2020 et en un temps record du système d’information de dépistage (SI-DEP) et de Contact Covid a permis de faire remonter en temps réel les dépistages des résultats des tests Covid. L’application TousAntiCovid et le passe sanitaire ont également émergé pendant la crise sanitaire. « Nous avons montré qu’il était possible de monter des projets en trois semaines là on échouait à le faire en huit ans, résume Laura Létourneau, qui quitte donc son poste de déléguée ministérielle au numérique en santé. Ce modèle de modernisation pourra être répliqué dans le système de transformation de l’éducation nationale, de la justice et de nombreux autres services publics. »
Plus récemment, en janvier 2022, le lancement de Mon espace santé a constitué une nouvelle étape importante de la révolution numérique en santé. Cette plateforme numérique, qui a vocation à devenir le carnet de santé numérique de tous les assurés, comprend le dossier médical partagé (DMP) des assurés et une messagerie sécurisée pour les professionnels de santé. En attendant un agenda rassemblant les rendez-vous médicaux et un catalogue de services et d’applications de santé référencées par les pouvoirs publics. Si le projet est ambitieux, il faudra attendre quelques mois pour en mesurer le succès.
Interopérabilité et gouvernance : peut mieux faire
Si le numérique a gagné du terrain en matière de santé, plusieurs défis restent à mener. L’interopérabilité des différents logiciels et applications n’est toujours pas parfaite pour les professionnels de santé. La question de l’évaluation des très nombreuses applications en santé est également un sujet. « Des tonnes d’applications sont aujourd’hui en usage et sont passées au-delà du scope des autorités publiques, analyse Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée à la Caisse nationale d’Assurance maladie. A moyen et long terme, l’objectif est d’évaluer les nouveaux outils, selon leurs preuves cliniques, et de voir s’ils ont vocation à être remboursés. C’est un chantier énorme qui s’ouvre à nous. »
Un autre enjeu majeur concerne l’avenir du pilotage, aujourd’hui trop éclaté. « En matière de gouvernance, il est possible d’assurer une meilleure articulation des différentes équipes numériques, dispersées entre la DGOS, la DGS, l’ANAP, la DNS… affirme Dominique Pon. Nous avons beaucoup de ressources, il faut voir comment elles peuvent être mieux coordonnées pour gagner en fluidité et applicables sur le terrain. »
« 25 acteurs différents sur le territoire qu’ils soient nationaux ou régionaux, ont un rôle à jouer dans le numérique en santé, abonde Laura Létourneau. Nous passons encore trop de temps sur des sujets qui pourraient être résolus si les process étaient alignés et si nous travaillions encore mieux ensemble. »
Alerté il y a quelques semaines quand il était encore ministre de la Santé, Olivier Véran a confié une mission à l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur le pilotage du numérique en santé. Sollicité par Pharmaceutiques, le ministère de la Santé n’a pas donné copie de la lettre de mission à l’Igas qu’il ne veut pas « rendre publique à ce stade ».
Christophe Gattuso