Thérapie digitale : Moovcare® obtient le premier remboursement
Dédiée au suivi des patients en risque de récidive de cancer du poumon, cette solution sera remboursée sur la base de 1000 euros tous les six mois.
Le 11 juin dernier, un pas décisif a été franchi en faveur de la santé numérique. Le Comité économique des produits de santé (CEPS) a en effet accordé le remboursement par l’assurance-maladie à Moovcare®, un dispositif de thérapie digitale indiqué dans le suivi des patients atteints d’un cancer du poumon. « C’est un accord historique, car c’est la première fois qu’une solution de thérapie digitale obtient le remboursement, se félicite Ayala Bliah, directrice générale adjointe de Sivan, la société franco-israëlienne qui développe le projet depuis six ans. Il témoigne de la capacité des autorités sanitaires françaises à soutenir l’innovation, y compris dans le champ encore largement inédit de la santé digitale. » Basé sur une web-appli, Moovcare® propose au patient de répondre chaque semaine à un questionnaire détaillé sur son état de santé : toux, fièvre, fatigue, essoufflement, poids, douleur… une dizaine d’items simples sont à renseigner. Analysés par un algorithme, ces questionnaires permettent de prévenir l’équipe médicale par un système d’alerte et de réduire les risques liés aux rechutes.
Le télésuivi, facteur d’adhésion au traitement
Imaginé en 2013 par un oncologue du CH du Mans, le Dr Fabrice Denis, le projet est passé par les « fourches caudines » du système d’évaluation français. Fortement persuadé de la pertinence de l’outil, Sivan a engagé plus de dix millions d’euros dans le projet, notamment pour la réalisation d’une étude de phase III d’envergure. En 2016 et 2018, l’étude a été présentée à l’ASCO, avec des résultats qui ont séduit les évaluateurs français : ils démontrent un gain moyen de survie globale de 7,6 mois pour les patients éligibles. « Cette amélioration de la survie s’explique pour deux raisons, précise Ayala Bliah. D’abord, le suivi à distance du patient permet de réajuster ou réinitier des traitements si nécessaire. Ensuite, le recueil régulier de l’état de santé du patient contribue à réduire la sensation d’isolement que beaucoup ressentent lorsqu’ils sont chez eux. Le télésuivi améliore l’adhésion au traitement et la qualité de vie du patient. » Moovcare® préfigure l’avènement des « PRO’s » (Patient reported outcomes), ces programmes d’analyse des données cliniques des patients en « vie réelle », appelés à se développer dans l’ensemble des pathologies chroniques.
Un dispositif sans comparatif
Le dispositif sera inscrit sur la Liste des Produits et Prestations Remboursables (LPPR), au prix semestriel de 1000 euros TTC. Un tarif qui satisfait les parties, mais qui fut, par essence, complexe à définir. « Les négociations ont fatalement été ardues, car il n’existait pas de comparatif, explique Guy Eiferman, associé chez Nextep, qui a accompagné Sivan dans la phase de mise sur le marché. Il a fallu bien expliquer la notion de thérapie digitale, détailler les choix méthodologiques posés par l’étude, évaluer ensemble l’impact potentiel du dispositif sur les patients éligibles, mais également les effets médico-économiques espérés grâce à l’amélioration des traitements. » Pour lui, « Moovcare® est en quelque sorte un outil qui vise à préconifier la prise en charge : un patient en rémission de cancer du poumon voit son oncologue tous les six mois, mais malheureusement, la récidive intervient rarement la veille du scan ! »
Un signal fort pour les industriels
Fort de son expérience dans l’industrie pharmaceutique, Guy Eiferman estime que le remboursement de cette première thérapie digitale constitue un signal fort à méditer pour les industriels de la santé. « Il démontre d’abord qu’il est possible de s’engager sur cette voie à partir d’études sérieuses et robustes. Moovcare® a obtenu un fort niveau de preuve, avec un ASA III accordé par la CNEDIMTS, qui joue un rôle déterminant dans l’avènement de la santé digitale. » Seconde leçon, « les résultats obtenus durant la phase clinique placent la barre particulièrement haut pour les concurrents potentiels, qui devront fatalement apporter un niveau de preuve au moins équivalent. » Troisièmement, les thérapies digitales confirment l’importance stratégique de mesurer l’expérience patient en vie réelle. « Les industriels doivent intégrer le fait que, dans un avenir proche, les thérapies médicamenteuses seront inévitablement associées à des dispositifs d’évaluation en vie réelle. Le recueil de l’expérience patient devient un élément-clé pour définir la valeur d’un traitement. »
Hervé Réquillart