Adolescents et vaccination : comment les sensibiliser et les protéger ?
Alors que la couverture vaccinale des adolescents demeure en deçà des objectifs, quel bilan tirer de la campagne de vaccination anti-HPV lancée l’an dernier dans les collèges ? Les experts réunis par Pharmaceutiques débattent de l’efficacité de cette nouvelle politique et plus largement des améliorations à apporter pour sensibiliser les jeunes à la prévention en santé.
L’insuffisance de la couverture vaccinale en France concerne aussi les adolescents. Or prendre soin de ces jeunes implique de « s’intéresser à leur calendrier vaccinal et effectuer les rappels nécessaires aux âges recommandés », a souligné le Dr Sébastien Rouget, chef du service de pédiatrie du Centre hospitalier Sud-Francilien (Corbeil-Essonnes), lors de la 2e table ronde de la web-conférence Vaccination organisée par Pharmaceutiques le 8 octobre dernier (1). Pour le Pr Muhamed-Kheir Taha, responsable de l’unité des infections bactériennes invasives et du Centre National de Références des méningocoques et de Haemophilus influenzae de l’Institut Pasteur, il est important de propager les bonnes informations, sur le risque individuel et pour la communauté. « C’est chez les 16-24 ans que le taux de portage et de transmission des méningocoques est le plus élevé, autour de 30 %, contre 10 % en population générale », rappelle le chercheur. « Les connaissances des adolescents sont plutôt floues sur les différentes maladies contre lesquelles des vaccins existent, observe Mathilde Varrette, infirmière de l’éducation nationale et secrétaire générale adjointe du SNICS FSU. La vaccination se prépare sur un temps long, pour acquérir l’adhésion aussi bien des adolescents que de leur famille, et ce dès la petite enfance. » Selon le Dr Rouget, les réticences à la vaccination sont moins le fait des adolescents eux-mêmes que des adultes (dont l’autorisation est nécessaire), qui ont pu recevoir des informations partielles ou fausses sur les dangers des vaccins. Or « leurs parents sont la première source d’information des jeunes, devant le milieu scolaire et les réseaux sociaux. »
La vaccination en milieu scolaire, une « possibilité supplémentaire »
Pour augmenter la couverture vaccinale contre les papillomavirus humains (HPV), les autorités ont instauré, au cours de l’année scolaire 2023-2024, une campagne de vaccination auprès des 11-14 ans au sein des collèges, avec des équipes mobiles se rendant dans chaque établissement engagé. Selon Mathilde Varrette, le bilan de l’opération est mitigé : « 100 000 élèves vaccinés, ce n’est pas négligeable, mais cela ne représente qu’un quart de la population cible, et une moyenne de 14 élèves dans chacun des 7 000 établissements concernés ! On peut se poser la question du coût-bénéfice de cette campagne ». « C’est une possibilité de plus offerte aux familles, même s’il n’y aura pas une manière unique de toucher toute la population cible », estime Sébastien Rouget.
Le Dr Muriel Belliah Nappez, médecin référent pour la politique vaccinale à la direction de la santé publique de l’ARS d’Ile-de-France, salue au contraire « une réussite : en Ile de France, 99 % des collèges publics se sont investis dans la campagne ». Elle reconnaît toutefois que plusieurs aspects devront être améliorés par rapport à cette « année test ». A l’avenir, d’autres vaccinations concernant cette tranche d’âge pourraient être réalisées dans ce cadre : « Certaines régions le font déjà, et en Ile-de-France nous espérons proposer les rappels de vaccin contre les méningocoques dans un futur proche ».
Certains pays voisins ont déjà mis en place une vaccination scolaire généralisée. « Au Royaume-Uni, c’est ce qui a permis d’atteindre une couverture très élevée contre le HPV », observe le Pr Taha. A l’inverse, Mathilde Varrette s’interroge sur la pertinence du milieu scolaire comme lieu de vaccination, soulignant que de très nombreux professionnels de santé en ville – pharmaciens et infirmières libérales – sont « prêts à prendre le relais », à condition de bénéficier d’une formation adéquate.
Les bons canaux pour les bons messages
Formation et information sont en effet des leviers clés pour accroître la couverture vaccinale des adolescents, « la vaccination devant être intégrée dans une politique plus large », plaide Sébastien Rouget, également ancien président de la Société Française pour la santé de l’Adolescent. Mathilde Varrette déplore pour sa part le manque de formation des infirmières scolaires à la vaccination. Elle souhaite que l’on s’appuie davantage sur les entretiens individuels « qui permettent de toucher les jeunes et leurs familles, pour éduquer à la vaccination ». « Chaque tranche d’âge devrait pouvoir s’appuyer sur un professionnel de santé référent pour parler de prévention », déclare Muriel Belliah Nappez. Elle reconnaît également le besoin de renforcer la formation des professionnels de santé libéraux pour qu’ils puissent « s’impliquer davantage dans les campagnes vaccinales ».
« Les éléments de langage doivent être adaptés à la population à laquelle on s’adresse », insiste Muhamed-Kheir Taha, proposant de s’appuyer sur des « ambassadeurs » utilisant le même langage et les mêmes outils de langage que les jeunes pour porter les bons messages. « Nous avons besoin de renforcer l’éducation par les pairs – insuffisamment développée en France – dont le discours sera plus impactant que celui des institutionnels », conclut Sébastien Rouget.
Julie Wierzbicki
(1) Web-conférence organisée avec le soutien institutionnel de GlaxoSmithKline et Takeda