Biodiversité : l’enjeu des parcours de soins
Trois personnalités -un chercheur en écologie, un médecin et une dirigeante de laboratoire- ont partagé leur expertise sur les défis de la santé durable en matière de soins, à l’occassion du colloque de Pharmaceutiques le 7 juin.
Comment réduire les impacts carbones des activités de soins et de santé ? Et quels sont leurs effets directs et indirects sur l’appauvrissement de la biodiversité ? Trois experts ont échangé sur cette thématique déterminante pour l’avenir du système de santé. Pour être plus durable et plus respectueux de l’environnement, le champ de la santé appelle à une évolution des mentalités, des pratiques, des modalités d’évaluation et des dispositifs de rétribution des actes et prestations. Directeur adjoint de l’Institut Ecologie et Environnement du CNRS, Philippe Grandcolas est d’abord revenu sur la récente actualité : la tenue en décembre dernier de la COP 15 au Canada, qu’il a suivi en tant que représentant du CNRS.
La COP 15 pose de nouveaux objectifs
« Très attendue depuis plusieurs années, cette réunion des parties prenantes a réuni les 196 pays signataires de la Convention de Rio de 1992 sur la biodiversité, explique-t-il. C’était d’autant plus nécessaire que les objectifs fixés lors des prochaines éditions n’ont pas été respectés. » La COP 15 a été l’occasion de prendre de nouveaux engagements, comme la constitution de 30% d’aires en protection (non soumis à l’intervention humaine) sur l’ensemble de la planète. « C’est essentiel pour protéger la diversité biologique, alors qu’elle a considérablement diminué en 50 ans. D’autres mesures-clé sont posées, comme la réduction d’emploi des pesticides, la diminution de diffusion des espèces animales exotiques ou la baisse de l’élevage industriel. »
En France, la protection de la biodiversité doit aboutir à la définition, avant l’été, d’une stratégie d’action. « Le sujet est complexe, car toutes les parties prenantes ne sont pas en accord sur les mesures à prendre, leur niveau d’exigence ou leur échéance. L’enjeu est pourtant majeur pour la santé humaine : en 50 ans, on recense plus de 300 pics épidémiques, dont bien sûr le Covid. Il faut progresser dans l’anticipation des risques, surtout lorsqu’ils avancent à bas bruit, comme le démontre le VIH dont les prémices dateraient des années 30. »
La FHF veut mutualiser les bonnes pratiques
La protection de la biodiversité est l’affaire de tous, à l’échelle du quotidien, comme l’ont illustré les deux autres intervenants. « A l’hôpital, c’est une réflexion qui se structure aujourd’hui, et la Fédération hospitalière de France en fait l’une de ses priorités, indique le Pr Patrick Pessaux, chef du service de chirurgie viscérale et digestive au CHRU de Strasbourg et président du comité Transition écologique en santé de la FHF. Beaucoup d’actions sont en cours, mais il faut les accélérer, les cartographier et fédérer les bonnes pratiques et constituant un réseau de partage. » La FHF entend également jouer un rôle actif sur la formation et l’information des soignants et des patients, le développement de la démarche d’écosoin et la montée en puissance de la prévention, « afin de réduire la part des soins et donc leur impact sur l’environnement. »
Pileje engagé en RSE
Directrice générale de Pileje, entreprise spécialisée dans les compléments alimentaires, Pascaline Gervoson décrit l’engagement de la société en faveur du développement durable. « Nous avons souhaité récemment nous interroger sur les actions à déployer pour limiter notre empreinte carbone, souligne-t-elle. Nos compléments alimentaires sont fabriqués és à partir d’une cinquantaine de composants et plus d’un millier de matières premières. Nous avons mis en place une politique d’achats responsables, en demandant à nos fournisseurs de garantir leur traçabilité. Nous privilégions également des plantes médicinales bio cultivées en France. Et nous faisons évoluer en permanence nos formules pour utiliser des excipients naturels, sans oublier bien sûr une stratégie de réduction des consommations d’eau et d’énergie. Enfin, nos salariés sont tous formés aux bons gestes en termes de gestion économique des ressources. »
Valoriser l’écosoin
Dernier thème abordé durant le débat, la démarche de l’écosoin appelle à des mutations profondes, en particulier en matière de formation. « Aujourd’hui, la santé environnementale représente près de 15 minutes durant les études de médecine, déplore Patrick Pessaux. A la rentrée 2023, 6 à 8 heures sont prévues, c’est un début, qu’il faudra compléter avec de la formation continue, via le DPC. Il faut également embarquer les usagers, leur expliquer que la qualité du soin est la même, même s’il s’effectue en pratiquant davantage la sobriété, par exemple en réduisant les volumes de perfusion. » Parmi les enjeux pour développer l’écosoin, il faut élaborer des indicateurs pertinents pour sélectionner les meilleurs pratiques. Et il faudra également des incitations financières pour que les soignants s’y engagent.
Hervé Requillart