Des outils digitaux vecteurs de transmission des connaissances
Les métiers de médecin comme de délégué médical évoluent. Une transformation portée par la crise du Covid-19 et les mutations digitales qui ont suivi. S’il a un temps fallu accompagner les professionnels de santé sur leur montée en compétences sur les aspects médicaux, c’est maintenant sur les aspects digitaux qu’elle se joue.
« La crise du Covid-19, révélateur de l’urgence de se transformer, a accéléré de nouveaux modes d’interaction, observe Céline Chevrier, Sales & Marketing Commercial Director chez GSK, en keynote du colloque Pharma HealthTech*, qui s’est tenu mercredi 20 septembre. « Dans un contexte d’incertitude, il a fallu rassurer et former les visiteurs médicaux, et capitaliser sur le temps libéré pour les accompagner dans leur montée en compétences sur les aspects digitaux », ajoute la responsable. Les réseaux numériques deviennent des vecteurs de transmission des connaissances scientifiques et métiers. « La crise du Covid-19 a permis l’accès numérique aux hôpitaux qui était un véritable enjeu jusque-là, salue Vincent Guala, directeur général d’Equamed. Et le délégué médical est au centre de cette transformation ».
Sur le terrain, Matthieu Durand, urologue au CHU de Nice, fondateur de What’s up Doc, observe dans une table-ronde dédié à ces mutations, que les pratiques conservent toutefois du présentiel. « Un sondage réalisé auprès de 200 médecins en exercice, dont la moitié a moins de 40 ans, et la moitié travaille en milieu hospitalier, révèle que 70 % d’entre-eux reçoivent encore la visite des laboratoires en présentiel. Le digital ne remplace pas totalement la relation humaine existante entre le médecin et le laboratoire, mais elle la modifie et la complète. » S’il y a une évolution, elle n’est pas une révolution : « La manière dont l’information vient au médecin n’est pas fondamentalement un enjeu en soi », conclut-il. Lucile Lim Noyelle, pharmacienne, leader Santé au cabinet de conseil onepoint, estime que les outils numériques manquent d’une dimension conversationnelle et émotionnelle : « L’hyper-digitalisation doit être compensée par une présence encore plus intense ».
L’ère du médecin augmenté
Si Mouna Champain, directrice médicale France de Bayer, reconnait la nécessaire utilisation des outils d’IA par les professionnels de santé pour mieux prendre en charge leurs patients, elle assure qu’« une meilleure connaissance des pratiques et besoins est indispensable à la production de contenus digitaux hyper spécialisés ». Par ailleurs, « le patient arrivant au cabinet de plus en plus nourri d’informations, le professionnel de santé doit avoir lui aussi connaissance de tous ces médias d’informations et nouveaux outils pour ne pas se sentir démuni », ajoute Lucile Lim Noyelle, également membre du Collectif Femmes de Santé. « Face à la complexification des parcours médicaux, les outils d’IA, Chat GPT mais pas seulement, sont vraiment un soutien pour le médecin », complète Matthieu Durand, assurant que la grande majorité d’entre eux ne les voit pas comme un compétiteur. « L’IA va suppléer et associer le médecin dans la conversation qu’il entretient avec son patient et l’examen clinique qu’il réalise », indique l’urologue, allant jusqu’à y voir la réappropriation d’une relation qui avait été un peu dévoyée. Des plateformes d’édition scientifique aux réseaux sociaux, chaque professionnel peut se transformer en Digital Opinion Leader (DOL). Pour Mouna Champain, « il faut tenir compte de ces différents acteurs, qui viennent s’ajouter ou parfois se substituer aux Key opinion leaders (KOL) avec lesquels nous avions l’habitude de travailler. »
Une nécessaire formation
Malgré tout, la peur de l’IA peut être multiple et diverse, et « la formation des professionnels de santé à ses outils est importante », juge Lucile Lim Noyelle. Selon Matthieu Durand, « la facilité d’usage de ces outils peut rendre leur utilisation risquée. La qualité du contenu, sa pertinence, et la connaissance des interlocuteurs restent les maîtres-mots d’une parole scientifique ou médicale, permettant de porter des informations justes. »
Juliette Badina
*Pharma HealthTech est un évènement co-organisé par Pharmaceutiques et TechToMed