Détection et accompagnement, les meilleures armes contre la BPCO
Sous-diagnostiquée, la broncho-pneumopathie chronique obstructive doit bénéficier d’un meilleur dépistage et d’une meilleure prise en charge. L’enjeu est de prévenir les exacerbations, facteur majeur de mortalité et de coûts sociétaux élevés.
Environ 480 millions de patients dans le monde, dont 3,5 à 5 millions en France, sont touchés par une broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO). Cette maladie inflammatoire des bronches, très majoritairement due au tabagisme, est l’une des premières causes de mortalité dans le monde, et représente aussi un fardeau majeur pour nos économies. « En France, la BPCO représente un coût annuel de 3,5 milliards d’euros », a rappelé Marie Pirotais, CEO de la société Biosency, lors de la deuxième table ronde de la webconférence « Maladies respiratoires » organisée le 28 novembre dernier par Pharmaceutiques. Ces coûts et ces décès sont majoritairement attribuables aux exacerbations (aggravation des symptômes respiratoires pendant plus de 24h), qui nécessitent une hospitalisation en urgence. « Le taux de décès dans l’année qui suit la première exacerbation sévère atteint 26 % », souligne la dirigeante.
Pour autant, le Pr Bruno Degano, chef du service hospitalier universitaire pneumologie-physiologie au CHU de Grenoble, refuse de « considérer cette pathologie comme une fatalité : plusieurs actions peuvent être engagées pour éviter son émergence ». Et ce dès l’enfance, en évitant l’exposition au tabagisme ou à la pollution intérieure et extérieure, et en veillant à traiter l’asthme correctement.
Changer l’approche diagnostique
Le repérage de la maladie est aussi « un enjeu fondamental pour une prise en charge précoce », martèle le Dr Frédéric Le Guillou, pneumo-allergologue et président de Santé respiratoire France. « Moins d’un tiers des patients souffrant de BPCO en France sont diagnostiqués, mais ce n’est guère mieux pour les autres maladies respiratoires chroniques ! Il faut changer d’approche et organiser la détection en fonction des symptômes et non d’un diagnostic qui n’a pas encore été posé : et cela passe par une mesure du souffle », plaide-t-il. Bruno Degano alerte également sur le risque d’un diagnostic erroné, encore trop fréquent, conduisant à une prise en charge inappropriée.
Le laboratoire Chiesi s’est engagé en faveur du dépistage avec l’initiative ItinérAir, lancée il y a deux ans. Cette campagne itinérante s’articule autour de l’organisation de tests de dépistage en journée, incitant les populations à tester leur souffle, et de conférences-débats en soirée pour échanger et informer. « Depuis 2022, onze ville étapes ont été couvertes et 1 500 spirométries réalisées – dont 30 % n’étaient pas satisfaisantes », rapporte Christine Contré, directrices des Affaires médicales de Chiesi France. La 3e campagne démarrera en janvier prochain.
Renforcer la prévention tertiaire
Mais lorsque la maladie est installée, il est primordial de prévenir la survenue des exacerbations, « qui sont à la BPCO ce que l’infarctus est à la maladie coronaire », décrit le Dr Le Guillou. La société Biosency a développé une solution de télésurveillance, Bora Care®, pour le suivi des signes vitaux à l’aide d’un bracelet connecté, ne nécessitant pas l’usage d’un smartphone. « Ce dispositif permet de détecter un risque d’exacerbation en moyenne quatre jours avant sa survenue, et d’envoyer une alerte à un professionnels de santé », explique Marie Pirotais. Cet outil s’intègre nécessairement dans un parcours de soins : « il faut que tous les acteurs travaillent ensemble au déploiement de ce type de solution ».
Sur le volet de la prise en charge thérapeutique, « les traitements inhalés restent la pierre angulaire », note Christine Contré. Les sprays contenant des gaz propulseurs nocifs pour l’environnement, Chiesi travaille à la mise au point de nouveaux inhalateurs utilisant des gaz « à impact carbone minimal ». Et plusieurs molécules thérapeutiques innovantes sont en développement, « dans l’objectif d’une prise en charge la plus personnalisée possible ». « Aujourd’hui nous disposons de tout un arsenal thérapeutique, mais un dispositif mal utilisé ne sert à rien, relève Frédéric Le Guillou. L’enjeu fondamental est l’observance, que tous les professionnels de santé doivent contribuer à améliorer. »
Les thérapies non médicamenteuses doivent aussi jouer un rôle de premier plan. « La réadaptation et l’activité physique ont montré leur efficacité », insiste Bruno Degano. Même si, reconnaît-il, il peut être compliqué pour une personne de plus de 50 ans ayant peut-être des problèmes articulaires, et déjà une capacité respiratoire diminuée, de pratiquer ces activités. « Soyons conscients que l’on s’adresse à des patients dont les parcours de vie peuvent être complexes. Et que l’innovation peut aussi porter sur des démarches, des pratiques et des organisations. »
Julie Wierzbicki