France 2030 : un regard sur le futur
Invité exceptionnel des Assises de l’Avenir, Bruno Bonnell détaille la philosophie et la méthode du plan France 2030. Recherche, production, souveraineté… Tels seront les trois grands piliers de la transformation dans le secteur de la santé.
Mieux comprendre, mieux produire et mieux vivre. Inspiré par la crise sanitaire, France 2030 marque une rupture idéologique, notamment dans sa dimension prospective. « Nous avons choisi de miser sur des acteurs émergents, sans la moindre garantie de réussite. L’innovation comporte une part de risque. L’Etat est prêt à l’accepter. Il sera plus volontariste, mais de manière raisonnée et raisonnable », souligne Bruno Bonnell, secrétaire général pour l’investissement, en charge de son déploiement. Lancé il y a quatorze mois, ce plan quinquennal a été doté de 54 milliards d’euros. Il porte trois grandes ambitions sociétales : rattraper le retard industriel français, investir massivement dans les technologies innovantes et soutenir la transition écologique. « La moitié des financements sont destinés aux actions de décarbonation », rappelle-t-il. Autre caractéristique notable : la santé est considérée comme une politique publique spécifique*. Contrairement aux autres secteurs d’activité, une agence interministérielle a été installée pour piloter les différents chantiers et stimuler les projets. Dirigée par Lise Alter, elle sera un « aiguillon » pour accélérer la diffusion des innovations.
Les jeunes pousses, les arbres et les forêts…
Parmi d’autres ambitions, France 2030 poursuit deux grands objectifs stratégiques : favoriser la bascule de la chimie vers la biologie et restaurer la souveraineté sanitaire de la nation. De la recherche fondamentale à l’industrialisation… « Nous financerons et nous accompagnerons les initiatives les plus pertinentes qui remontent des territoires », affirme Bruno Bonnell. La méthode se veut pragmatique : identifier les besoins, analyser les solutions et appuyer les innovations. Dans un environnement ultra-concurrentiel, le développement des startups françaises fera l’objet d’une attention particulière. « Notre pays dispose de nombreux atouts, clairement sous-exploités. Il ne peut plus être une simple pépinière au profit de clients américains ou asiatiques », estime Bruno Bonnell. Pour inverser cette tendance lourde, quasi culturelle, il évoque trois leviers majeurs : éduquer les étudiants et les entreprises, développer des outils de consolidation et continuer à dérisquer les investissements privés. « Il faut en finir avec le culte de l’entrepreneuriat rentable, faciliter le changement d’échelle et accroître les liquidités. Nos jeunes pousses doivent devenir des arbres qui deviendront demain des forêts. Nous ferons tout pour y arriver. »
Une question d’équilibre
Plusieurs freins persistants devront néanmoins être levés pour concrétiser la promesse. Protectrice à certains égards, la surrèglementation peut parfois brider l’innovation. Loin de se cantonner aux aspects purement économiques, France 2030 aura une prise indirecte sur le sujet, notamment via l’AIS. Dans son rôle de facilitateur, cette nouvelle agence devra impulser un véritable choc de simplification. « Il lui appartiendra de trouver le bon équilibre entre le laisser-faire et le laisser-aller. Il faudra s’en tenir à la réglementation européenne, sans ajouter de couches supplémentaires, pour consolider nos positions face à la concurrence internationale », prévient Bruno Bonnell. Baisses tarifaires, clause de sauvegarde, montant des remises… Les industriels du secteur regrettent le décalage entre les ambitions politiques du gouvernement et la logique comptable de la régulation budgétaire. L’avis est tranché : aucune transformation ne sera possible sans une croissance forte et durable, qui passera notamment par une meilleure reconnaissance et une meilleure valorisation des innovations. « Stoppons les cris d’orfraie ! Il convient de trouver un nouvel équilibre qui concilie les impératifs d’accès et de soutenabilité, sans bouleverser les fondements de notre modèle de société », répond Bruno Bonnell, qui perçoit la santé comme un élément déterminant de la cohésion du corps social, mais aussi comme le socle de la future identité française.
Jonathan Icart
(*) Le volet santé du plan France 2030 a été doté de 7,5 milliards d’euros.