IA et RH : une équation à plusieurs inconnues
Il n’y aura pas d’intelligence artificielle en santé sans une revue complète des effectifs et des métiers. Complexe et incertaine, la quête de la perle rare relève encore du pari.
Data analyst, data scientist, data engineer, data manager… Derrière ces nouveaux métiers se cachent les futures forces vives de l’intelligence artificielle en santé. Plusieurs freins persistants devront néanmoins être levés pour concrétiser la promesse. La variabilité des besoins, la disponibilité des ressources compétentes et la volatilité des candidats sont autant de facteurs critiques qui ralentissent la structuration de la filière et entravent le bon déroulement des projets. Les experts réunis par Pharmaceutiques et TechToMed sont formels : recruteurs, entrepreneurs et formateurs devront coopérer pour attirer, développer et fidéliser les talents… avec le soutien de la puissance publique.
Une offre minimaliste
La filière « IA et Santé » devra rapidement combler son retard de maturité dans deux domaines clefs : les compétences et les emplois. Symbole de cette double carence, une dizaine de formations thématiques sont actuellement proposées. Une offre minimaliste qui devra être significativement renforcée. « Un millier de collaborateurs ont été formés dans nos entreprises, mais il en faudra six fois plus d’ici trois ans. Ce sera une condition sine qua non pour appuyer la transformation durable de notre activité », prévient Thomas Borel, directeur des affaires scientifiques et de la RSE du Leem, qui compte sur son Académie du digital en santé pour « accélérer la mutation et favoriser l’acculturation ». Outre la pénurie et la concurrence, les industriels du secteur devront également lutter contre une obsolescence programmée des savoirs. « La dynamique du progrès technologique exige le maintien quasi-permanent des connaissances requises. Les méthodes, les modalités et les temporalités des programmes de formation devront être repensées », affirme Isabelle Hilali, fondatrice et CEO de datacraft.
Intégrer et impliquer
La chasse aux nouveaux talents échappe totalement aux codes traditionnels du recrutement. Très demandés, les profils recherchés sont aussi très fuyants. « Le sens donné au métier devient un critère différenciant pour des candidats qui ont l’embarras du choix », estime Arnaud Weill, senior consultant chez HTI. Quelles que soient la taille et la stratégie opérationnelle des entreprises, la socialisation organisationnelle sera un paramètre déterminant. « L’accueil et l’intégration de ces salariés réclamera un accompagnement plus poussé pour les conserver dans la durée », assure-t-il. Une chose est sûre : le rayonnement de la filière nécessitera la mobilisation de tous les acteurs de la chaîne de valeur. « Les patients et les professionnels de santé devront être davantage consultés et impliqués, et leurs besoins mieux considérés. Le législateur et le régulateur devront faciliter le déploiement des solutions numériques les plus pertinentes, et promouvoir la massification des usages », confirme le Dr Jean-Louis Fraysse, co-fondateur BOTdesign et vice-président de l’Institut national de la e-santé. L’ouvrage sera collectif ou ne sera pas.
Jonathan Icart
NB : ces propos ont été recueillis durant la quatrième édition de Pharma HealthTech. Un événement co-organisé par Pharmaceutiques et TechToMed le 21 septembre dernier.