Impact de l’IA en santé : des promesses tenues ?
L’IA sert-elle concrètement la quête de nouvelles performances en santé ? Les intervenants de cette 4e édition de Pharma HealthTech apportent leurs retours d’expériences et leur vision de cette révolution en marche dans le domaine de la recherche et de la découverte de nouveaux traitements, mais aussi des pratiques des professionnels de santé.
En juin 2020, Moovcare®, le dispositif de thérapie digitale indiqué dans le suivi des patients atteints d’un cancer du poumon, obtenait son inscription sur la liste des produits remboursables par l’Assurance maladie. Développé cliniquement et distribué par la société Sivan Innovation, il avait obtenu une amélioration du service attendu (ASA) III auprès de la CNEDIMTS. « Deux ans plus tard, il s’agit toujours du seul dispositif de télésurveillance à être remboursé », indique Ayala Bliah, directrice générale de Sivan Innovation. La télésurveillance médicale devait entrer dans le droit commun au 1er juillet 2022, selon l’article 36 de la LFSS pour 2022, mais l’échéance a été repoussée d’un an faute de la parution dans les temps des décrets d’application, notamment du cadre de tarification et des modalités de prise en charge. « Nous sommes encore loin d’une prise en charge de l’IA en France », constate l’entrepreneuse. L’Allemagne a adopté en 2019 la réglementation DiGA qui a créé une voie de réglementation et de remboursement « accélérée » pour les applications de santé numérique, alors même que les preuves d’efficacité sont encore en cours de collecte. « Aux Etats-Unis, les autorités réglementaires sont là aussi plus souples que chez nous, constate Ayala Bliah. En France, les agences exigent beaucoup plus de preuves cliniques. Pourtant, les tarifs envisagés de remboursement, de 600 euros par patient et par an, ne sont pas à la hauteur, estime-t-elle. Cette règlementation très forte empêche l’innovation ! »
Diminuer l’attrition de la recherche
Si la question du modèle économique se pose encore, le potentiel de l’IA au niveau de la recherche est, lui, immense. Servier a vocation à devenir un « digital performeur » via son programme data et intelligence artificielle. « L’IA est déjà un véritable assistant du chercheur et du développeur pour améliorer la vitesse et la qualité des produits qui arriveront sur le marché », témoigne Alban Arrault, directeur du programme chez Servier. Un outil indispensable pour atteindre l’objectif du groupe de mise sur le marché d’une nouvelle entité moléculaire tous les trois ans. « Les essais cliniques in silico sur des patients virtuels utilisent ainsi la puissance des données, mais aussi les connaissances accumulées par la communauté scientifique, pour raccourcir la durée des essais ou limiter le nombre de participants », témoigne François-Henry Boissel, co-fondateur et directeur général de Novadiscovery. La plateforme Jinkō d’essais cliniques de Novadiscovery, lancée en 2021 auprès des clients Big Pharma et Biotech, doit ainsi permettre de tester différentes hypothèses de façon plus rapide, robuste et prédictive afin d’optimiser et dé-risquer un futur essai clinique. « Appliquées avec succès, les approches Model-Informed Drug Development (MIDD), programme pilote de la FDA dans lequel Novadiscovery a été sélectionné en 2019, peuvent améliorer l’efficacité des essais cliniques, en économisant jusqu’à deux ans et 70 M$ », rapporte le dirigeant.
Un écosystème se met en place
La recherche effectuée sur les trois sites hospitaliers de l’Institut Curie en Ile-de-France, est « centrée sur la donnée », indique Amaury Martin, directeur adjoint de l’Institut Curie et directeur de Carnot Curie Cancer. Il estime que « les données se doivent d’être de qualité pour nos patients et médecins mais aussi pour nos partenaires, notamment industriels dans notre labellisation Carnot, afin d’améliorer des parcours de soins par exemple ». Ce travail nécessite d’agréger différentes bases, comportant des données hospitalières et de ville, publiques et privées. L’écosystème français se construit progressivement et les ressources humaines en interne devront être adaptées à ces développements en IA ».
Juliette Badina