Informer, dépister, traiter : les leviers pour prévenir le diabète et ses complications
Alors que l’épidémie de diabète se répand, peut-on détecter plus précocement les signaux faibles ? Un meilleur accompagnement des patients dans leur traitement peut-il permettre de réduire ou de retarder les complications de la maladie ? La deuxième table ronde du webinaire de Pharmaceutiques, consacrée à la prévention, nous éclaire sur ces enjeux.
Le diabète pèse et pèsera de plus en plus sur les comptes de l’Assurance maladie. Il représente déjà 9,6 milliards d’euros, soit 5,2 % des dépenses en 2021. « 4,2 millions de personnes sont concernées – pour 97 % par le diabète de type 2 – et l’incidence augmente : si la tendance actuelle se maintient, en comptera en France 500 000 diabétiques de plus en 2027 », prédit Catherine Grenier, directrice des assurés de la CNAM, en introduction de la deuxième table ronde du webinaire de Pharmaceutiques consacré au diabète le 14 décembre dernier.
Les enjeux sont clairs : maîtriser l’entrée dans la maladie et l’arrivée des complications. « 30 % des diagnostics s’effectuent au stade de la complication : on aurait pu agir bien avant ! », insiste Catherine Grenier, qui prône « un dépistage systématique au premier facteur de risque : 45-50 ans est le bon âge pour le faire. » La mise en œuvre à partir de janvier 2024 de « Mon bilan prévention », prévoyant un entretien dédié à certains âges clés, constituera une bonne opportunité.
Le pharmacien en première ligne
Bonne nouvelle : au stade présymptomatique du diabète de type 2, même sans médicament il est possible de réverser la maladie. Les pharmaciens d’officine, qui voient passer les patients et leur entourage, ont un rôle majeur à jouer. « Notre mission ne peut pas être limitée à la dispensation des médicaments : il faut utiliser la pharmacie comme lieu de communication, d’interpellation et de dépistage… sans pour autant devenir des donneurs de leçon ! », plaide Renaud Nadjahi, président de l’URPS Pharmaciens Ile-de-France.
Des outils existent déjà, comme le score Findrisc qui permet en quelques questions d’établir un niveau de risque de développer un diabète au cours des dix prochaines années. L’URPS Pharmaciens est à l’initiative d’un programme conduit annuellement à l’occasion de la journée mondiale du diabète, au cours duquel le Findrisc est associé à une glycémie capillaire… qui permet d’identifier 18 % de personnes avec une glycémie anormale, « parmi lesquelles on estime qu’il y a 8 % de vrais diabétiques. Il faut investir pour demain dans le dépistage, l’accompagnement et l’éducation à la santé. »
De l’ETP à l’accompagnement
Née notamment pour accompagner les patients atteints de diabète de type 1 et largement élargie à d’autres champs depuis, « l’ETP n’a plus à prouver son efficacité. Mais faute d’inscription dans le droit commun, elle n’est accessible qu’à moins de 5 % des personnes souffrant de pathologies chroniques et s’inscrit essentiellement dans des démarches hospitalo-centrées – quand c’est déjà trop tard », déplore Cyril Gauthier, co-fondateur de Nuvee, plateforme d’éducation thérapeutique du patient (ETP) numérique. Sans cet accompagnement, le patient recherche par lui-même des informations – souvent sur internet – qui, « si elles ne sont pas cadrées, risquent d’être mal utilisées ». Pour lui, les outils numériques peuvent apporter ce cadre, « s’ils s’inscrivent dans une logique de parcours de soins. Et ils permettront une meilleure égalité d’accès à l’ETP. »
Pour Jean-François Thébaut, vice-président en charge du plaidoyer et des relations extérieures de la Fédération Française des Diabétiques, « la principale révolution réside dans le changement d’approche de la prévention ». Dans le diabète, elle intervient à tous les niveaux : en amont dans une démarche holistique, incluant les enjeux sociaux ; quand la maladie est diagnostiquée, pour empêcher les complications, notamment cardiovasculaires ; et à un stade plus avancé, pour éviter l’aggravation de ces complications. « En amont de l’ETP, bien définie par la loi et qui intervient à un niveau déjà avancé, il faut développer l’accompagnement thérapeutique, qui permettrait de prendre en charge les patients au tout début de la maladie. » Selon lui, il est essentiel d’aller vers une prise en charge totale de tous les facteurs de risque, « pas seulement de viser l’équilibre glycémique ».
Détecter le diabète de type 1
Le diabète de type 1, maladie auto-immune qui survient principalement chez l’enfant et le jeune adulte, « est progressif et évolue sur plusieurs années, et est précédé par une phase insidieuse », rappelle Amar Bahloul, directeur médical diabète de Sanofi France. Pour lui, il est aussi possible de mettre en œuvre une démarche de prévention, grâce au dosage des auto-anticorps qui permet de repérer les personnes à risque. « La détection d’au moins deux auto-anticorps anti-cellules bêta et un début de dysglycémie indiquent un risque de 73 % de développer un diabète de type 1 dans les cinq ans, expose-t-il. Les personnes ainsi dépistées pourront bénéficier de ces progrès bien avant d’entrer dans un stade clinique de diabète, et préserver le plus longtemps possible leurs cellules bêta productrices d’insuline. »
Julie Wierzbicki