Intelligence artificielle : vers une radiologie augmentée ?
La radiologie fait partie des disciplines médicales les plus avancées dans le domaine de l’intelligence artificielle. Exception faite des fractures osseuses et des nodules mammaires, la portée diagnostique est toutefois limitée. La pertinence et l’explicabilité du résultat proposé par la machine seront deux paramètres déterminants dans la conduite du changement.
Avec l’ophtalmologie et la dermatologie, la radiologie concentre actuellement les avancées les plus prometteuses dans le domaine de l’intelligence artificielle. Longtemps perçue comme une menace professionnelle, cette mutation structurelle est désormais considérée comme un tremplin vers une radiologie augmentée. Facilitée par son inclusion dans les maquettes de formation et consolidée par les recommandations des sociétés savantes, la compréhension du phénomène aura favorisé son appropriation. La raréfaction du temps médical et la sophistication des clichés aussi. Le stade de la prise de conscience est franchi et le fait communément admis : l’IA ne remplacera pas le radiologue, dont la responsabilité est engagée, mais elle pourra éclairer sa décision. La patience sera toutefois de mise. Si certaines applications concrètes sont pleinement intégrées dans la pratique courante, notamment pour détecter les fractures osseuses et les nodules mammaires, la portée diagnostique est relativement limitée.
Un potentiel important
Premier révélateur du degré de maturité observé dans le secteur de la radiologie : tous les constructeurs commercialisent des machines qui embarquent des logiciels d’intelligence artificielle plus ou moins élaborés. Réduction des doses injectées, augmentation de la résolution spatiale, diminution du temps d’acquisition des images… « Il en résulte des bénéfices importants, notamment pour les examens de scanographie, dont le potentiel est amplifié par le renouvellement et la modernisation du parc des équipements lourds. Ces évolutions ont des impacts positifs sur la suite de la prise en charge, que ce soit sur le plan thérapeutique, médicamenteux ou chirurgical », souligne Jean-Paul Beregi, chef du service radiologie et imagerie médicale du CHU de Nîmes et président du CERF. Stimulés par le progrès technologique, certains travaux pourraient accélérer le mouvement, en exploitant notamment les atouts conjugués de l’imagerie et de la biopsie liquide, une approche novatrice qui permet de cibler les métastases cancéreuses via une « simple » prise de sang. « Il faudra trouver des moyens techniques appropriés pour détecter, analyser et segmenter automatiquement toutes les lésions du patient. Le recours aux scanners à comptage photonique pourrait y contribuer, mais le traitement des images nécessitera une puissance de calcul adaptée. Seule une IA peut composer avec un tel niveau de complexité », commente Nathalie Lassau, professeure de radiologie au sein de l’université Paris-Saclay et vice-présidente de la SFR.
Concilier les besoins et les solutions
D’autres freins devront naturellement être levés pour passer un cap supplémentaire. Outre le recueil et la structuration de données robustes pour « nourrir » les algorithmes de décision, la pertinence et l’explicabilité du résultat proposé par la machine sera un facteur déterminant dans la conduite du changement. Une chose est sûre : les praticiens attendent des outils fiables, rapides et efficaces pour optimiser leur exercice quotidien et fluidifier les parcours de soins. « Les besoins de la profession et les usages de la clinique devront être pensés avant les solutions technologiques. Aucune transformation ne sera possible sans une étroite collaboration avec les radiologues et les sociétés savantes », relève Matthieu Leclerc-Chalvet, CEO de Therapixel. Souvent décriée par les acteurs industriels, l’absence d’un modèle économique dédié ne serait pas un obstacle rédhibitoire pour autant : « Nous partageons tous la même ambition, celle de tracer la voie la plus directe entre les innovations et les patients. Le remboursement n’est donc pas une fin en soi. Il existe des systèmes de paiement au mois, à l’année ou au volume d’examens réalisés. Les radiologues et les autorités sanitaires doivent néanmoins comprendre que le coût de la technologie peut sensiblement varier en fonction de sa technicité et de son intérêt de santé publique. » Malgré les nombreuses promesses affichées, la radiologie augmentée est encore loin d’être une réalité, mais la révolution est en marche.
Jonathan Icart
NB : ces propos ont été recueillis durant la troisième table ronde du colloque sur la radiologie organisé par Pharmaceutiques le 20 mars dernier.