La dermatologie vit sa révolution thérapeutique
La première table ronde du colloque Dermatologie organisé par Pharmaceutiques a mis en lumière les progrès de la recherche et l’arrivée de thérapies efficaces aussi bien dans les cancers de la peau que dans les dermatoses inflammatoires. Tout en soulignant les problèmes posés par le déficit de médecins spécialistes.
Des pathologies de mieux en mieux prises en compte par les professionnels et la société, une recherche qui progresse et de plus en plus de thérapies efficaces, mais une compréhension et une sensibilisation encore à améliorer et un déficit criant de médecins spécialistes : tel est l’état des lieux de la dermatologie française en 2023, dressé par les acteurs réunis par Pharmaceutiques autour de la première table ronde (1) de son colloque Dermatologie organisé le 15 novembre.
Discipline au champ large, s’intéressant aussi bien au mélanome qu’à des dermatoses chroniques inflammatoires fréquentes ou rares, la dermatologie connaît depuis plusieurs années de véritables révolutions thérapeutiques. L’immunothérapie a bouleversé le pronostic du mélanome, qui bénéficie aussi des avancées du numérique. « L’IA a déjà fait ses preuves dans le diagnostic, permettant d’accélérer la prescription des traitements », se réjouit le Pr Laurent Misery, dermatologue au CHRU de Brest et directeur du laboratoire de neurosciences de l’Université de Bretagne occidentale.
Des symptômes de mieux en mieux contrôlés
Dans les maladies à composante inflammatoire, les premières thérapies ciblées sont arrivées il y a une vingtaine d’année. « Aujourd’hui on connaît mieux les mécanismes moléculaires à l’œuvre, ce qui permet un ciblage plus fin des dérégulations de la cascade inflammatoire, s’enthousiasme Claire Roussel, directrice médicale d’AbbVie France. Dans certaines pathologies comme le psoriasis, on peut atteindre un contrôle de la maladie jusqu’à 100 % : les patients retrouvent une peau normale ! » Cependant les traitements les plus élaborés – et les plus onéreux – sont pour l’heure « réservés aux patients présentant les formes les plus sévères », relève le Pr Misery, qui espère un prochain élargissement des prescriptions à des populations plus larges.
Introduisant ce colloque, le Dr Luc Sulimovic, président du syndicat national des dermatologues vénéréologues (SNDV) a appelé à ce que ces nouvelles biothérapies puissent également être prescrites par les spécialistes libéraux en ville – d’autant qu’une grande partie d’entre eux exerce également à l’hôpital.
Des patients impliqués dans leur prise en charge
Des maladies plus complexes, comme la maladie de Verneuil (1% de la population touchée), vont également bénéficier des efforts de recherche. « Il reste beaucoup de choses à comprendre : il est probable qu’il ne s’agisse pas que d’une seule pathologie, et on pense qu’il existe des facteurs génétiques chez 40 % des patients », expose le Dr Maia Delage, dermatologue libérale et chercheuse à l’Institut Pasteur. Plusieurs axes de recherche sont explorés, par exemple sur le microbiome. « Les publications se multiplient et de nouvelles molécules vont arriver. »
Pour Daphné Barbedette, directrice de l’association France Psoriasis, être tenu au courant des avancées de la recherche est crucial pour les patients, qui souhaitent « être impliqués ». Concernant le choix du traitement à prescrire, la décision partagée est également un élément essentiel, les préférences du patient et son mode de vie devant être pris en compte. « C’est un facteur d’observance », assure la représentante associative, qui plaide également pour davantage d’éducation thérapeutique. « Les dermatologues sont de plus en plus sensibles au ressenti des patients », observe d’ailleurs le Pr Misery.
Le numérique en renfort du parcours de soins
Pour répondre au défi du déficit de médecins spécialistes, entraînant un fort allongement des délais de rendez-vous, le Dr Sulimovic cite en exemple les équipes de soins régionales spécialisées qui commencent à se mettre en place. De son côté, AbbVie soutient une initiative conduite dans un département ne disposant d’aucun dermatologue : des médecins généralistes se réunissent chaque mois avec un dermatologue pour lui soumettre les dossiers de leurs patients, afin de mieux orienter ces derniers.
La téléconsultation fait davantage débat. Si elle peut être utile pour un suivi, selon Daphné Barbedette « elle n’est pas adaptée à une première consultation ». Le Pr Misery et le Dr Delage soulignent l’importance de pouvoir « voir et toucher la peau ». La télé-expertise est en revanche plébiscitée, dans un contexte de « sur-spécialisation », notamment comme un moyen de réduire l’errance diagnostique qui peut atteindre huit à dix ans dans certaines pathologies.
Julie Wierzbicki
(1) Table ronde organisée avec le soutien d’AbbVie.