La donnée, un outil d’évaluation des solutions de santé
Les données, aussi plurielles qu’elles soient – données cliniques, d’expérience patient ou d’accès précoce -, permettent une évaluation et réévaluation des solutions de santé. L’heure est à la professionnalisation de ces collectes et à leur intégration dans la doctrine des agences d’évaluation.
La donnée est plurielle et l’évaluation des solutions de santé doit s’y préparer et l’intégrer. C’est autour de ce sujet que sont venus débattre les intervenants de la deuxième table-ronde du colloque de Pharmaceutiques dédié aux données de santé. « Au-delà de l’essai clinique randomisé qui reste la norme, nous sommes toujours en veille – via la littérature et des rencontres avec les industriels – et nous nous préparons à l’arrivée de nouvelles données pour mener des études hybrides ou de nouvelles méthodologies de recherche comme les essais plateformes, « seamless », essai monobras, détaille Camille Thomassin, cheffe de la cellule de coordination des données en vie réelle à la direction de l’évaluation et de l’accès à l’innovation de la HAS. Nous travaillons avec un groupe d’expert en méthodologie afin de générer une évaluation des technologies de santé (HTA) qui fasse référence au niveau européen. »
Une évaluation en continu
Le recueil des données de vie réelle et de qualité de vie des patients sur le long terme pourra également participer à l’évaluation en continu de nouvelles thérapies innovantes. Ces données sont de plus en plus importantes. Sylvie Troy, directrice médicale adjointe chez Pfizer France, en témoigne : « Les données post-AMM permettent de s’attacher à d’autres informations, telle que l’expérience patient, qui permet d’étudier plus largement les impacts d’un traitement. » Dans le domaine, les bases se professionnalisent. « La richesse de la France en données de santé est force d’attractivité », assure-t-elle. « La HAS est habituée à traiter les données de vie réelle lors de l’évaluation initiale d’un produit de santé, ainsi que lors de sa réévaluation, indique Camille Thomassin. Ces essais sont parfois plus complexes que ceux qui utilisent des données cliniques. Nous souhaiterions que cela soit davantage reconnu ». En ce sens, la HAS a élaboré un guide méthodologique en juin 2021. Pour Cathy Maillard, épidémiologiste et directrice des études observationnelles chez IQVIA, il faut « complémenter cela avec des applications mobiles mises à disposition des patients et qui collectent des données quotidiennes (Patient reported outcomes – PRO) afin de réorienter leur prise en charge sur la base d’algorithme. Ces derniers pourraient être évalués de la même façon. » Elle estime d’ailleurs que la France n’est pas en retard dans le domaine avec notamment des rencontres précoces avec la CNEDiMTS (1).
Un cadre réglementaire
Cathy Maillard mise sur les partenariats public-privé. « Les plus belles études en sont toujours issues, notamment en oncologie avec centres d’investigations cliniques (CIC) des CHU. » Elle déplore encore qu’il y ait trop de freins à la mise en place de ces PPP. Le rôle de l’avocat est important pour les constituer, alors même qu’il n’existe pas de modèle de contrat-type. Sophie Pelé, avocate associée chez Dechert LLP, indique : « Nous sommes présents au sein des négociations de partenariats en accompagnant sur les droits et devoirs avec les outils juridiques existants ». Pour contourner un certain nombre de difficultés du cadre réglementaire, beaucoup ont eu recours à de la donnée anonymisée uniquement. « C’est la solution de facilité, et nous nous privons alors d’un certain nombre d’informations, constate-elle. Il est nécessaire d’entrer dans l’immense ère du RGPD, avec les difficultés que cela représente, pour utiliser des données personnelles nécessaires pour faire des croissements intéressants. » Les patients sont conscients et attentifs à l’utilisation de leur donnée, et à la conformité au contrat d’utilisation et de réutilisation de ces données. « Cela nécessite de les informer, et d’obtenir les consentements nécessaires, complète-elle. Et nous gagnerons à valoriser la donnée en rendant public l’ensemble de ces réutilisations. » Les contributions des associations de patients sont d’ailleurs de plus en plus importantes. « Nous menons des travaux avec les représentants d’usagers et associations pour les inclure, à notre niveau mais aussi au niveau européen via le règlement qui sera mis en place, assure Camille Thomassin. Et cela dès les réflexions sur le développement des protocoles et le choix des critères de jugement. »
Juliette Badina
(1) Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé – CNEDiMTS