L’expérience patient au service du parcours de santé
L’expérience patient doit pouvoir être utilisée pour améliorer le parcours de vie des patients. Le développement des living labs témoigne de l’intérêt de tester les innovations dans la vie réelle.
Comment l’expérience patient peut-elle être utilisée pour améliorer le parcours de vie des patients ? C’est la question à laquelle sont venus répondre les intervenants de la deuxième table-ronde du colloque de Pharmaceutiques dédié à l’expérience patient le 5 juin. L’AP-HP s’est engagée sur une dizaine d’actions à mettre en place pour prendre en compte l’expérience patient dans ses établissements. Une démarche qui s’inscrit dans le plan « 30 leviers pour agir ensemble », dont l’objectif est de recruter et retenir les professionnels de santé. « La façon dont les patients vivent les soins, mais également la signalétique, la restauration, l’accès à l’offre et les informations aux patients, sont des éléments importants », assure le Dr Ayden Tajahmady, directeur de la stratégie et de la transformation de l’AP-HP, avec l’objectif de repenser le parcours pour tous les patients, y compris les moins à l’aise avec les outils technologiques ou ceux qui sont porteurs de handicaps. Comment faciliter la prise de rendez-vous ? Voici l’une des questions qui se pose au sein des établissements. « Nous effectuons un recensement des sources d’informations et des voies de notification, pour avoir une information cohérente et accessible aux patients », répond-t-il.
Des outils au service des professionnels
« Beaucoup d’indicateurs ont été mis en place : à la fois quantitatifs avec les PROMs (1), PREMs (2) et des données cliniques dans une démarche d’évaluation de la qualité des soins (Value based healthcare), mais aussi qualitatif avec des indicateurs de perception et des enquêtes flash pour se donner les moyens de questionner l’organisation, détaille le Dr Ayden Tajahmady. Le questionnaire e-Satis de la HAS visant à suivre la satisfaction et l’expérience des patients hospitalisés est pertinent et permet de se comparer par rapport aux autres établissements. Mais il se fait à l’échelle de l’établissement et doit être complété par une analyse des verbatims pour identifier les pistes d’amélioration. » L’AP-HP travaille avec un certain nombre de start-ups dans le domaine.
Skezi, start-up cofondée par l’AP-HP et l’Université Paris-Cité en décembre 2020, poursuit le développement technologique du logiciel de collecte des données dynamiques de la cohorte ComPaRe (Communauté de patients pour la recherche) et leur suivi dans le temps, et le commercialise sous le nom Skezia. « En 2023, nous avons lancé Skethis, un observatoire sous forme de communauté d’individus en ligne, permettant de générer des données sur la qualité de vie et de faire émerger les points d’amélioration, et qui croît chaque jour, rappelle Manon Blanchetête, directrice marketing et communication de Skezi. L’enjeu est d’accroître l’utilisation de notre solution pour aller vers une homogénéité des données, notamment en travaillant avec une multitude de centres de l’AP-HP et d’autres établissements. » Elle rappelle le besoin d’acculturation et de communication, notamment auprès de l’industrie pharmaceutique sur les données de vie réelle, nécessaire au développement de ces outils et à leur acceptation. « Un biais reste celui du digital, ajoute-elle, il faut donc développer des solutions les plus pratiques possibles ».
Des dispositifs d’appui
Comment les patients peuvent-ils, individuellement et collectivement, améliorer la prise en charge ? Face à ce questionnement, et avec l’ouverture du droit à un programme d’ETP (Education thérapeutique du patient) pour les malades chroniques par la Loi HPST de 2009, est né en 2013 le pôle de ressources – Ile de France – en éducation thérapeutique du patient. Son coordinateur, le médecin Pierre-Yves Traynard, rappelle que « c’est le partage – par des ateliers, séminaires, webinaires, ressources bibliographiques et outils éducatifs – qui pousse à voir comment les patients peuvent gagner en pouvoir d’agir dans leur parcours de santé. » L’ARS soutient le pôle depuis ses débuts. Celui-ci coordonne auprès de médecins libéraux, spécialistes et généralistes, l’expérimentation d’un dispositif d’appui visant à les aider à inclure des pratiques éducatives d’accompagnement thérapeutique de proximité dans leur organisation et environnement de soins. « L’enjeu est que les malades chroniques puissent construire avec eux des solutions, décrit Pierre-Yves Traynard. Notre objectif n’est pas de fournir des solutions mais de créer les conditions de leur co-construction. » Un pas de plus vers la reconnaissance de la légitimité de l’expérience patient comme étant aussi importante que celle des soignants. Un living-lab, ACTU le lab, se met en place en réponse à l’appel à projet Tiers lieu d’expérimentation. « C’est une initiative intéressante pour une valorisation mutuelle des points de vue », confirme Ayden Tajahmady, qui veut aller au-delà d’une démarche d’affichage. « C’est une transformation profonde, avec des besoins patients de plus en plus pris en considération dans, et en dehors, de l’hôpital. Nous devons travailler en bonne intelligence avec les autres acteurs et intégrer les patients dans notre fonctionnement et notre stratégie », assure-t-il. La prochaine étape sera celle des impacts sur la valorisation économique, mais la recherche dans le domaine n’a pas encore abouti.
Juliette Badina
(1) PROMs – Patients-Reported Outcome Measures
(2) PREMs – Patient-Reported Experience Measures