Maladies infectieuses / Maladies infectieuses émergentes : un nouvel ordre sanitaire
La lutte contre les maladies infectieuses émergentes est devenue une priorité politique. Plusieurs instances nationales et supranationales ont été chargées de préparer et de gérer les futures crises sanitaires. Investir, organiser et protéger : telles seront les trois grandes priorités.
La maîtrise du risque pandémique est devenue une véritable priorité publique. Outre l’Organisation mondiale de la santé, plusieurs instances nationales et supranationales sont désormais chargées de lutter contre le péril infectieux, à l’image de HERA, la nouvelle autorité européenne de préparation et de réaction en cas d’urgence sanitaire. Installée en septembre dernier, cette structure communautaire doit identifier et caractériser le danger, investir dans la recherche et le développement, mais aussi produire et stocker des contre-mesures médicales. En France, deux faits marquants sont à signaler : la création de l’ANRS-MIE, produit de la fusion entre le consortium REACTing et l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales, et le déploiement de la stratégie d’accélération « maladies infectieuses émergentes et menaces NRBC ». Pilotée par le Secrétariat général à l’investissement, elle doit permettre de comprendre, devancer et contrôler l’émergence de nouveaux agents pathogènes. Lancée en juillet 2021, elle a été dotée de sept milliards d’euros sur cinq ans.
Coordination et anticipation
Le Covid-19 a suscité une réelle prise de conscience, non sans poser des exigences accrues en matière de coopération, notamment dans le champ de la recherche. « Le recueil et le partage des données sont deux paramètres déterminants en période de crise. Les différents organismes internationaux doivent mieux se coordonner pour gagner en réactivité et en efficacité. Ils doivent utiliser les mêmes outils et les mêmes méthodologies pour comparer leurs résultats », estime Sylvie Briand, directrice de la préparation mondiale aux risques infectieux au sein de l’OMS. Coordination devra également rimer avec anticipation, en amont des épidémies ou des pandémies. « Il faut impérativement réguler, prioriser et financer les travaux, en accélérant et en simplifiant les démarches des chercheurs, mais aussi croiser les expertises publiques et privées pour développer la connaissance et stimuler l’innovation », confirme Eric D’Ortenzio, médecin épidémiologiste et directeur du département stratégie et partenariats de l’ANRS-MIE. Coordonnée par le Dr Nadia Khelef, la stratégie MIE/NRBC soutiendra cette dynamique nouvelle. « Nous favoriserons la mise en réseau des différents acteurs pour optimiser les efforts de recherche », souligne-t-elle. A l’heure actuelle, 51 millions d’euros ont déjà été investis dans quinze projets diversifiés, allant du repérage au traitement des maladies infectieuses émergentes.
Une épreuve de vérité
Confrontées à un défi permanent, les nations du monde entier devront déployer des moyens humains, techniques et financiers conséquents… et s’aligner sur des objectifs communs. « Investir, organiser et protéger : telles sont les trois grandes priorités pour prévenir et traiter les futures pandémies », résume Sylvie Briand. Nouvelle sentinelle de l’UE, HERA devra y contribuer. Parmi d’autres initiatives, elle ciblera prochainement trois menaces concrètes, en lien étroit avec les Etats membres et la communauté scientifique internationale. « La dangerosité, la contagiosité et la vitesse de propagation seront nos principaux critères de sélection. La voie du consensus sera systématiquement privilégiée », relève Pierre Delsaux, son directeur général. Surveillance épidémiologique oblige, elle facilitera notamment la détection précoce des signaux faibles via la mise en place d’une plateforme électronique. Pour garantir la diffusion des médicaments et des vaccins essentiels, HERA se rapprochera également des industriels : « Nous allons prépayer des lignes de production que nous activerons en cas de besoin ! » Comme un symbole, la variole du singe sera une première épreuve de vérité. Pour parer à toute éventualité, l’autorité européenne vient de conclure un accord inédit avec Bavarian Nordic. Signé le 14 juin, ce contrat prévoit la livraison de 109 090 doses d’un vaccin antivariolique de troisième génération.
Jonathan Icart
NB : ces propos ont été recueillis durant la première table ronde du dernier colloque organisé par Pharmaceutiques.