Maladies rares : quelles applications et perspectives de l’IA ?
Un patient atteint d’une maladie rare connaît une errance diagnostique de quatre ans en moyenne. Face à ce constat inacceptable, des participants à la deuxième table ronde de PharmaHealthTech ont développé des outils mettant à profit l’intelligence artificielle pour réduire cette errance et améliorer le parcours des patients touchés.
95 % des 7 000 à 8 000 maladies rares répertoriées n’ont à ce jour pas de traitement adapté. « En tant qu’industriel, notre but est d’apporter des solutions innovantes aux patients, affirme Pierre-Olivier Boyer, directeur général de PTC Therapeutics France, intervenant à l’occasion de la quatrième édition de PharmaHealthTech, événement co-organisé par Pharmaceutiques et TechToMed. Nous devons accélérer et l’intelligence artificielle va y contribuer. »
Si la France est selon lui « l’une des meilleures » pour permettre un accès rapide des innovations aux patients grâce aux dispositifs d’accès précoce et compassionnel, elle pêche sur la pérennisation, faute de savoir tarifer ces traitements. « Quel est le bon moyen pour avoir la bonne rémunération ? L’IA va nous aider à avoir la meilleure évaluation possible de ces innovations », espère-t-il. Encore faut-il savoir à qui les prescrire. L’errance diagnostique – quatre ans en moyenne en France – est un véritable fléau pour les patients atteints d’une maladie rare.
Sensibiliser les professionnels de santé
Premier levier : « développer la culture du doute » chez les médecins de premier recours face à un tableau clinique complexe. Modérateur de la table ronde, Jérôme Leleu, CEO de SimforHealth, a profité de l’occasion pour annoncer le lancement officiel ce jour de la plateforme de simulation numérique RareSim, dont l’objectif est justement de sensibiliser les professionnels de santé aux maladies rares. Initié en réponse à un appel à projets lancé par Coalition Next, RareSim a bénéficié du soutien institutionnel d’Ipsen, Novartis, Pfizer et Takeda.
Également dans l’optique de réduire cette errance diagnostique, Sanofi a choisi de s’allier avec la startup française Medical Intelligence Service (MIS). « AccelRare® se veut un compagnon digital pour aider le médecin de proximité à envisager une hypothèse de maladie rare, en lui fournissant un pré-diagnostic fiable », explique Etienne Van Der Elst, responsable produit digital – Innovation digitale chez Sanofi. S’appuyant sur le DM d’aide à la décision médicale MedVir™ de MIS, « qui a déjà fait la preuve de sa fiabilité », le nouvel outil se concentre sur 270 maladies rares disposant déjà d’un traitement ou d’une prise en charge adaptés. Outre un pré-diagnostic en cas de suspicion de maladie rare, le logiciel devra aussi fournir l’adresse du centre expert le plus proche.
L’IA ne sert pas seulement à concevoir des outils mais aussi à les faire connaître. Pour Virginie Druenne, qui a créé le podcast « RARE à l’écoute » (6 000 abonnés, plus de 180 épisodes disponibles), la diffusion de l’information est primordiale. Elle exploite tous les ressorts des algorithmes des moteurs de recherche afin que ces contenus apparaissent en bonne place quand sont renseignés certains mots clés. « Il ne faut pas que les patients aient à chercher l’information, celle-ci doit leur arriver directement », estime-t-elle.
Recours aux données de vie réelle
Certains outils non développés spécifiquement pour les maladies rares pourraient aussi se révéler très profitables dans ce champ. C’est par exemple le cas des deux nouveaux logiciels que la société Quinten compte déployer, grâce aux 14 M€ récoltés lors de sa toute récente levée de fonds. Le premier, à destination des industriels, s’appuiera sur les données de vie réelle pour modéliser des maladies. Le second s’adressera aux pharmaciens hospitaliers dans l’objectif de sécuriser les prescriptions, et ainsi de réduire la iatrogénie.
L’ambition de Quinten est surtout d’exploiter tout le potentiel des données de vie réelle. Selon son président et co-fondateur Alexandre Templier, la génération de preuves est aujourd’hui totalement fragmentée, chacun travaillant de son côté sur ses propres données pour concevoir un algorithme spécifique pour une maladie donnée. « Il faut réussir à intégrer ces différents modèles pour réduire le temps et le coût de production de ces preuves », plaide-t-il.
C’est cependant sur une aire thérapeutique très spécifique, la transplantation rénale, que Cibiltech a développé son logiciel de prédiction du risque de rejet de greffe. « Certains patients concernés ont une maladie génétique », rappelle Stéphane Tholander, co-fondateur et CEO de la société. Grâce à l’organisation des parcours de soins, il est selon lui plus facile en France que dans d’autres pays d’accéder à des données très structurées, « grâce auxquelles nous pouvons produire des algorithmes de haut niveau. » Fruit des travaux d’une équipe Inserm-AP-HP, cette solution « développée sur 4 000 patients et validée depuis sur plus de 10 000 patients à l’échelle internationale », est déjà déployée dans de nombreux hôpitaux.
Julie Wierzbicki