Maladies rénales chroniques : connaître, dépister, traiter
Fréquentes mais largement méconnues, les maladies rénales chroniques doivent être dépistées au plus tôt pour préserver le plus longtemps possible l’autonomie du patient. Tel est le principal message porté par les intervenants à la première table ronde de la web-conférence dédiée à ces pathologies organisée par Pharmaceutiques le 18 juin.
« Un Français sur deux ignore que le rein est un organe essentiel à la vie. » Cette statistique rapportée par le Dr Bruno Vermesse, médecin généraliste à La Madeleine (Nord), illustre la méconnaissance de la population vis-à-vis de cet organe double. Celui-ci assume non seulement les fonctions de filtration du sang et de production de l’urine, mais aussi de régulation de l’équilibre de l’organisme en sel et divers minéraux, ainsi que la production d’une hormone indispensable à la production des globules rouges, l’érythropoïétine (EPO).
La diminution progressive des unités fonctionnelles des reins, les néphrons, entraîne des maladies rénales chroniques (MRC), qui évoluent de façon irréversible. Celles-ci concernent 850 millions de personnes dans le monde et causent 5 à 11 millions de décès par an. « En France en 2022, 93 000 personnes souffraient d’insuffisance rénale terminale (IRT), dont un peu plus de la moitié traitée par dialyse, et un peu moins ayant bénéficié d’une transplantation », a rappelé le Pr François Vrtovsnik, président de la Société française de néphrologie, dialyse et transplantation, en introduction de la web-conférence dédiée aux maladies rénales organisée par Pharmaceutiques le 18 juin (1).
Un parcours de soins structuré
Depuis quelques années, le parcours de soins des patients s’est structuré. En 2019, un décret a entériné la rémunération au forfait des établissements pour la mise en œuvre du parcours de soins, dans la prise en charge des patients atteints de MRC aux stades 4 et 5 (débit de filtration glomérulaire (DFG) inférieur à 30 mL par minute). « Ce dispositif nous a permis de recruter des intervenants, comme des diététiciens ou des psychologues, dont les actes n’étaient pas facturables », se réjouit le Pr Vrtovsnik.
De son côté, la HAS a publié un guide du parcours de soins dans la MRC de l’adulte à tous les stades, adopté par le Collège en juillet 2021 et actualisé début 2023. Ce guide intègre une méthode récente de dépistage, le RAC (mesure du ratio albuminurie / créatininurie), « un pas très significatif dans sa simplification », applaudit le Pr Vrtovsnik. Si le médecin estime qu’un dépistage en population générale « aurait du sens, y compris peut-être d’un point de vue médico-économique », il reconnaît la complexité de la mise en œuvre d’une telle stratégie, du fait d’un manque de ressources pour l’interprétation des résultats. Il recommande en revanche un dépistage systématique de toutes les personnes « à risque » (diabétiques, hypertendues…) afin d’engager au plus tôt une prise en charge et retarder au maximum une évolution de la maladie vers une IRT nécessitant une suppléance.
Le rôle majeur de la médecine de ville
Le dépistage comme la prise en charge des premiers stades de MRC incombent à la médecine de ville. Le médecin généraliste s’adresse alors à un patient qui « ne se sent pas malade », décrit le Dr Vernesse. Celui-ci témoigne de la réticence de ses confrères à prescrire certains médicaments par crainte des effets secondaires. Selon lui, le traitement doit devenir un réflexe dès le stade 3 (DFG inférieur à 60 mL par minute), pour préserver l’autonomie du malade. « N’oublions pas que quand la fonction rénale commence à se dégrader, cela impacte toutes les autres, notamment sur le plan cardiovasculaire », insiste-t-il. Sans oublier de traiter aussi les pathologies causales, comme le diabète et l’obésité, ainsi que les éventuelles complications (anémie, déséquilibres minéraux…). Pour s’assurer de l’adhésion du patient à cette prise en charge parfois lourde, « les programmes d’éducation thérapeutique sont essentiels. »
« La médecine a fait beaucoup de progrès, il faut maintenant accompagner les patients différemment, car pour eux c’est la qualité de vie qui est importante », renchérit Jan Marc Charrel, président de l’association France Rein. Celle-ci organise depuis vingt ans des campagnes de dépistage en population générale. « Il ne faut plus que 30 % des patients en IRT le découvrent à ce moment-là, dans l’urgence du besoin d’une dialyse ! » Le Manifeste du Rein pour la qualité de vie des patients, livré par l’association à l’automne dernier, insiste notamment sur trois points : détecter précocement ; permettre aux patients d’être acteurs de leur santé ; et l’accompagner avec le souci de son autonomie. « En France, on recourt moins à la dialyse à domicile que d’autres pays européens », note-t-il. Selon lui, ce sont ces patients dialysés qui « souffrent le plus ». « La greffe est vécue par eux comme une libération, assure-t-il. Et c’est aussi une source d’économie : le coût de prise en charge d’un patient greffé est d’environ 20 000 euros par an, quatre fois moins que celui d’un patient dialysé ». A quelques jours du 22 juin, journée mondiale du don d’organe, les intervenants rappellent la nécessité pour chacun de faire connaître à ses proches sa position sur ce sujet.
Julie Wierzbicki
(1) Evènement organisé avec le soutien de CSL Vifor et le partenariat institutionnel de l’Association française des diététiciens nutritionnistes (AFDTN), de l’Association PolyKystose France, du Club des jeunes néphrologues, de la Fondation du rein, du Registre dialyse péritonéale de langue française et de la Société francophone de néphrologie, dialyse et transplantation