Ménopause : déstigmatiser pour mieux prendre en charge
75 % des femmes souffrent de troubles liés à la ménopause, dont 25 % avec des symptômes très invalidants. Une dédramatisation et une déstigmatisation de cette phase physiopathologique normale permettront une meilleure prise en charge médicale, indispensable. De nouveaux outils numériques émergent dans le domaine pour améliorer la qualité de vie.
Le docteur Brigitte Letombe, gynécologue, est venue témoigner, lors de la web-conférence de Pharmaceutiques dédiée à la santé de la femme, de l’évolution de ses 40 années de pratique médicale et de celle du comportement des femmes. Auteure de « Femmes, réveillez-vous ! » aux Editions First, elle veut les interpeler, les considérant très en retrait de la prévention, de la médecine, notamment de la consultation gynécologique, et de tous les traitements hormonaux. « Le mouvement féministe d’aujourd’hui consiste à un retour à la nature, qui implique notamment de ne pas intervenir médicalement à la ménopause, décrit-elle. C’est préjudiciable à leur santé et leur qualité de vie. 75 % des femmes dans la cinquantaine vont avoir une symptomatologie à cette étape de leur vie, dont 25 % avec des effets très handicapants qui nécessitent une consultation médicale et un accompagnement. L’extinction de la fonction folliculaire ovarienne, et en même temps la persistance d’une fonction endocrine incomplète et dissociée, a des impacts importants sur la santé cardio-vasculaire, avec des pathologies responsables de 35 % de la mortalité féminine », alerte-t-elle. Sans parler de maladie, mais plutôt de physiopathologie, elle estime que des consultations en période (post-)ménopausique permettent de prévenir ces complications et d’améliorer la qualité de vie. Sophie Kune souhaite voir les femmes retrouver leur liberté à cette période de leur vie que Simone de Beauvoir associait à la « petite mort ». Créatrice du compte Instagram @menopause.stories et autrice de « Ménopausée et libre ! », elle a elle-même été placée en ménopause artificielle à 47 ans à la suite d’un problème de santé et s’est vite sentie démunie face aux symptômes.
Du traitement hormonal aux outils numériques
« Le traitement de substitution hormonale (THS) doit faire partie de la prise en charge pour celles qui en ont besoin, plaide Brigitte Letombe, qui chiffre aujourd’hui à 6 % la part des femmes concernées sous traitement hormonal, contre 30 % il y a 20 ans. Elle rappelle qu’il existe plusieurs types de THS de la ménopause, qui diffèrent entre eux par leur composition (estrogènes seuls ou associés à un progestatif), leur voie d’administration (orale, vaginale ou patch) et leur dosage, et que la bibliographie internationale ne démontre qu’un lien faible avec un sur-risque de survenue d’un cancer du sein (1 femme sur 8 000). La HAS préconise dans ses textes datés de 2014 un maintien du remboursement du THS, tout en recommandant l’utilisation de doses minimales et une durée limitée. « La situation française est dramatique », s’alarme-t-elle, alors que les Etats-Unis, l’Angleterre, et l’Australie ont retrouvé des taux d’utilisation plus importants ; la seule contradiction au THS étant un antécédent de cancer du sein. « A la différence de la ménopause, l’insuffisance ovarienne prématurée, qui peut arriver dès 30 ans, est une pathologie, pour laquelle il est nécessaire de donner les œstrogènes que les ovaires n’ont plus la capacité de secréter », indique Brigitte Letombe. Face au tabou sociétal et aux difficultés d’informations du public en (péri)ménopause, Mathilde Neme a cofondé la société Omena, qu’elle dirige. « Notre appli comporte trois briques : du contenu d’information et prévention gratuit en collaboration avec Brigitte Letombe ; un programme paramédical de bien-être (nutrition, relaxation, activité physique…) pour gérer les symptômes via trois séances quotidiennes sur abonnement annuel ; ainsi qu’un chat payant avec des professionnels médicaux et paramédicaux », détaille-t-elle. « C’est complémentaire à ma pratique médicale, et indispensable, applaudit Brigitte Letombe. Aider les femmes pas à pas dans leur hygiène de vie au quotidien est la première chose à faire pour améliorer leur qualité de vie. »
Juliette Badina