Notre santé visuelle maltraitée par nos modes de vie
Inflation galopante de myopie chez l’enfant, mais aussi fatigue visuelle ou sécheresse oculaire… autant de troubles induits par nos mauvaises habitudes. Mais des actions sur nos comportements permettent souvent de les prévenir et des nouveaux outils de les corriger. Au colloque Santé visuelle de Pharmaceutiques (1), les experts font le point.
La santé visuelle est un véritable enjeu de santé publique. Alors que la moitié de la population française est déjà équipée de lunettes ou de lentilles de contact, la myopie est un fléau planétaire… en pleine expansion ! « En 2050, elle devrait concerner 50 % de la population mondiale – et jusqu’à 95 % dans certaines régions d’Asie », annonce le Pr Dominique Bremond-Gignac, chef du service d’ophtalmologie de l’Hôpital Necker Enfants Malades de l’AP-HP.
Le changement de nos modes de vie est selon elle le premier facteur de ce qui est bel et bien une pathologie, caractérisée par une augmentation de la longueur axiale de l’œil. Elle apparaît dès l’enfance, durant la croissance du globe oculaire. Deux évolutions des comportements sont jugées particulièrement délétères : l’abus d’écrans en vision de près (type téléphone ou tablette) et une moindre exposition à la lumière du jour, considérée comme protectrice.
La myopie s’accompagne en outre chez l’adulte de complications parfois graves, comme la cataracte, le glaucome, le décollement de la rétine, pouvant apparaître à tous les stades mais notamment dans le cas de myopies dites fortes (supérieure à 6 dioptries). « D’où la nécessité d’entreprendre au plus tôt des stratégies freinatrices : chaque dioptrie gagnée réduit le risque de complication », insiste le Dr Camille Rambaud, ophtalmologiste spécialisé en chirurgie réfractive et de la cataracte. Une chirurgie qui, si elle améliore la vision, ne traite pas la cause de la maladie elle-même et n’empêche pas la survenue de complications de la myopie. « Un suivi régulier chez un ophtalmologiste reste nécessaire », souligne le praticien.
Des stratégies freinatrices efficaces contre la myopie
Il est cependant possible d’intervenir efficacement dès la petite enfance avec certains dispositifs, comme des verres créant une défocalisation optique. Les enfants plus âgés et les adolescents peuvent recourir à des lentilles souples défocalisantes ou des lentilles d’orthokératologie. Celles-ci, plus rigides et à porter la nuit, « limitent l’évolution de la myopie en remodelant la surface cornéenne », explique Christophe De Combejean, responsable marketing chez Johnson & Johnson Vision.
Selon lui, la responsabilité de la filière est non seulement de développer des dispositifs efficaces et confortables pour les patients, mais aussi de délivrer « la bonne information » aux professionnels. « Eux-mêmes ne perçoivent pas encore suffisamment la myopie comme une pathologie », déplore-t-il.
« Près de 500 000 enfants devraient pouvoir bénéficier de stratégies freinatrices, mais ils sont probablement moins de 100 000, car ni les professionnels ni les parents ne sont assez sensibilisés », confirme le Pr Brémond-Gignac. Pour elle, l’avenir de la prise en charge réside dans la combinaison d’outils optiques et de traitements pharmaceutiques, de type gouttes d’atropine microdosées.
Mais la meilleure stratégie chez l’enfant est encore la prévention, avec des mesures simples exposées par le Dr Rambaud : « limiter les écrans et les activités de près, privilégier les activités en vision de loin, et passer au moins deux heures par jour à l’extérieure. »
Chez l’adulte, un usage « sain et responsable » des écrans
Une modification des habitudes de vie peut se révéler tout aussi efficace chez l’adulte sujet à une fatigue visuelle ou à une sécheresse oculaire. « On cligne moins quand on travaille sur écran, en outre l’œil n’est pas habitué à être statique », note Nathalie Lollier-Willart, orthoptiste et fondatrice de Coach for Eyes, société spécialisée dans la prévention de la fatigue visuelle. Une règle simple est à retenir : « regarder au loin – à une distance d’au moins 20m, pendant 20 secondes, toutes les 20 minutes. » Avoir un usage « sain et responsable des écrans » nécessite information et accompagnement : en entreprise, les RH ont un rôle à jouer dans cette sensibilisation des collaborateurs.
Côté industriels, « nous travaillons à développer des lentilles que l’utilisateur va pouvoir porter de 12h à 14h par jour confortablement, y compris devant des écrans », indique Christophe De Combejean. Les lentilles de contact ayant naturellement tendance à déstabiliser le film lacrymal, le défi est de mettre au point des technologies qui limitent cette altération.
Il est plus difficile en revanche de totalement prévenir la gêne oculaire liée aux allergies environnementales, mais là encore des mesures simples comme la limitation des écrans ou de la climatisation peuvent en limiter l’amplitude.
Julie Wierzbicki
(1) Colloque organisé le 19 septembre avec le soutien de Johnson&Johnson Vision et de Théa