Assises de l’Avenir / Numérique et data : à l’épreuve de la vie réelle
L’économie de la donnée impose une meilleure reconnaissance de la valeur qu’elle délivre. Les intervenants de la table-ronde 3 des Assises de l’Avenir, organisées mardi 28 juin par Pharmaceutiques et le cabinet Asterès, ont débattu du modèle économique de la donnée de santé.
Dans le cadre du Plan France 2030, le Gouvernement a lancé début 2021 une stratégie d’accélération « Santé Numérique » avec pour objectif d’encourager la transition d’une médecine curative vers une approche plus préventive et prédictive, mais également de favoriser l’émergence d’un écosystème capable de s’imposer sur un marché mondial et de traiter de manière sécurisée et éthique la donnée de santé. Dotée de 650 M€, la stratégie comporte 34 actions. « Beaucoup d’appels à projets ont été lancés dernièrement – ou sont en cours de lancement – dans ce cadre, sur des sujets d’imagerie, de diagnostic, d’évaluation du bénéfice clinique de logiciels, de création d’entrepôts de données, de data challenges… », indique David Sainati, coordinateur interministériel de la Stratégie d’accélération « Santé Numérique », lors des Assises de l’Avenir *. A cette stratégie s’ajoute la création de Mon espace Santé, carnet de santé sécurisé qui doit permettre de stocker et partager tous les documents et données de santé en toute confidentialité. « Un comité de citoyens tirés au sort travaille sur les recommandations stratégiques à donner sur l’avenir de ces données – anonymisées – à des fins de recherche », précise-t-il. David Sainati assure qu’« avec les deux milliards d’euros du Ségur du numérique en santé, nous allons rattraper notre retard de façon assez rapide. Nous allons passer de 10 à 250 millions de documents numérisés échangés entre professionnels de santé, qui pourront alimenter Mon espace Santé. » Il estime que la mobilisation de l’ensemble des acteurs, « assez inédite et remarquable », doit permettre la structuration et l’accélération du secteur.
Un manque d’infrastructures adéquates
La France dispose de cohortes et de données faramineuses, et notamment
d’une base de données unique au monde qu’est le SNDS (Système national des
données de santé), mais « elles sont sous exploitées », estime Valérie Edel, directrice accès aux données du Health
Data Hub. « L’objectif du HDH, créé en décembre
2019 par l’Etat, est de faciliter l’accès aux données pour que des recherches
soient mises en œuvre plus rapidement, avec un objectif d’un délai de 5 à 6
mois, tout en assurant un accès encadré de ces données dites sensibles ».
Emmanuel Bilbault, cofondateur et CEO de Posos, confirme le besoin de
structuration de ces données. « L’enjeu de la médecine de demain est de
croiser les recommandations, les informations sur les médicaments et celles sur
les patients, pour donner le traitement le plus approprié à chacun »,
indique-t-il comme étant l’objectif de Posos. Les industriels de la santé notamment
y voient un véritable intérêt. Thomas Borel,
directeur Recherche, Innovation, Santé publique et Engagement sociétal du Leem,
témoigne de l’utilisation des données pour « optimiser la recherche
clinique, mesurer l’impact organisationnel d’un nouveau médicament dans le
cadre de son accès précoce puis de son AMM, ou encore mettre à disposition des
outils digitaux autour du traitement ». Il soulève l’enjeu du recrutement
pour répondre à l’évolution de l’ensemble des métiers. « Le Leem a ainsi
créé en avril l’Académie du digital en santé, plateforme pour faire le
lien entre les offres et les besoins de formation. ».
Un modèle économique partagé
La question du modèle économique de ces données se pose. David Sainati témoigne d’une initiative introduite dans la LFSS 2022 pour le remboursement des DM numériques de télésurveillance innovants : « Nous lançons une prise en charge anticipée pendant 12 mois de ces produits, ce qui correspond au délai administratif de la procédure de remboursement ». Au Health Data Hub, les réflexions sont engagées. « A la demande du Comité stratégique des données de santé, nous avons créé un groupe de travail visant à établir un modèle économique pour fin 2022/début 2023 », explique Valérie Edel. Thomas Borel plaide pour un modèle de tarification de la donnée qui serait partagé par tous les acteurs. Emmanuel Bilbault chiffre à 40 milliards d’euros le montant dépensé par l’Union européenne pour compenser les erreurs médicamenteuses. « La stratégie de Posos permettrait de réaliser des milliards d’économies, ce n’est pas seulement une dépense, c’est un vrai investissement ! ».
Juliette Badina
* Les Assises de l’Avenir ont bénéficié du soutien du Leem et de Pfizer.