Obésité : En quête d’une stratégie efficace de prévention
Alors que 8,5 millions de personnes sont atteintes d’obésité en France, dont 1 million de grade 4, et que sa prévalence a augmenté de 13 % en dix ans, il devient urgent de revoir les stratégies de prévention, au plus près des publics et à l’échelle des territoires.
« Presque un Français sur deux est en situation de surpoids ou d’obésité », a témoigné le Dr Rudy Caillet, praticien hospitalier au Centre Nutritionnel des Hôpitaux civils de Colmar, lors de la première table-ronde du colloque Obésité organisé ce jeudi 13 octobre par Pharmaceutiques. Tous les continents sont dorénavant touchés par cette pandémie multifactorielle (facteurs individuels comme l’alimentation trop calorique et la sédentarité, mais aussi facteurs environnementaux) comme le rappellent les autrices du rapport du Sénat publié en juin dernier : « Surpoids et obésité, l’autre pandémie ». « L’obésité est associée à 18 pathologies graves, alerte Anne-Sophie Joly, présidente du CNAO (Collectif National des Associations d’Obèses). 19 avec le Covid, véritable révélateur : 47 % des personnes en réanimation étaient en surpoids. » L’obésité est une maladie, reconnue par l’OMS depuis 1997, mais pas encore par l’Assurance maladie française. L’impact économique de l’obésité représente pourtant 2,6 % du PIB français, soit 56 milliards d’euros, avec un coût pour l’Assurance maladie s’élevant à près de 5 milliards. Il y a donc urgence à faire de la prévention, à adapter l’offre de soins, et à envisager une prise en charge par les généralistes. « Mais ces derniers ne sont pas formés à ces problématiques », déplore celle qui est également membre du groupe de travail ayant élaboré les recommandations de la HAS sur l’Obésité de l’adulte (1). Pire encore, 55 % des soignants sont discriminants à l’égard des personnes souffrant d’obésité. De trop nombreux patients refusent ainsi de se rendre chez leurs médecins et cela engendre un retard au diagnostic, une perte de chance, et des années de vie en moins. »
Double peine pour les plus précaires
Autre constat alarmant : selon l’enquête Obépi-Roche de 2020, 75 % des enfants en surpoids ou en obésité sont issus des catégories populaires et inactives. Rudy Caillet confirme le double-lien entre obésité et précarité : « Une situation économique défavorable et le coût des aliments expliquent l’important développement de l’obésité dans ces populations, comme le moindre accès à l’information, à la prévention, aux soins et aux activités physiques et sportives. Et l’obésité est également précarisante. »
« Saturés en gras, sucres, sel et additifs alimentaires, les produits les moins chers sont les plus nuisibles en termes de santé », alerte Anne-Sophie Joly, qui rappelle le rôle des industriels de l’agro-alimentaire. En ce sens, le Nutri-Score, lancé en octobre 2017, est certainement l’outil le plus emblématique de la politique initiée en 2001 avec le programme national nutrition santé (PNNS). Son objectif est d’encourager les consommateurs à faire des choix plus sains et d’inciter les industriels de l’agro-alimentaire à reformuler leurs produits. Le 4e PNNS, lancé pour la période 2019-2024, fait d’ailleurs de la promotion de sa généralisation obligatoire à l’échelle européenne sa deuxième mesure prioritaire. « Le Nutri-Score concerne la composition des aliments mais pas la qualité nutritionnelle de ceux-là », tempère Rudy Caillet, qui rappelle que trop de calories proviennent d’aliments ultra-transformés contenant notamment des additifs. Anne-Sophie Joly recommande la mise en place d’un Toxi-Score qui intégrerait les perturbateurs endocriniens et polluants.
Une gestion globale
Le 4e PNNS prévoit 55 mesures pour « diminuer de 15 % l’obésité et stabiliser le surpoids chez les adultes », et « diminuer de 20 % le surpoids et l’obésité chez les enfants et les adolescents ». L’exposition des enfants au marketing pour les produits de mauvaise qualité nutritionnelle est un phénomène dont l’ampleur et les conséquences sont bien connues. L’action publique en matière de surpoids et d’obésité est particulièrement complexe à mettre en œuvre. « Il faut aller vers une politique qui prend en compte l’influence des facteurs environnementaux sur la maladie et ainsi sortir de la vision culpabilisante de l’individu », assure le praticien hospitalier. Il mise sur l’éducation à une bonne alimentation et à la dimension sociale du repas, comme le mettait en avant le rapport du Sénat. « De la même manière, il faut trouver une valeur ajoutée dans l’activité sportive », conclut-il.
Juliette Badina
(1) Obésité de l’adulte : prise en charge de 2e et 3e niveaux – partie I prise en charge médicale », juin 2022