Pharma HealthTech : le digital au coeur de la relation avec les professionnels
Le 20 septembre, la 5eme édition de Pharma HealthTech s’est ouvert sur le thème du digital, support stratégique pour réinventer le lien entre laboratoires pharmaceutiques et professionnels de la santé.
Comment le numérique fait-il évoluer les interactions entre industriels et professionnels de la santé ? Pour sa 5eme édition, Pharma HealthTech, le 20 septembre dernier, abordait en ouverture un sujet-clé pour les laboratoires pharmaceutiques. Après le Covid 19, à l’origine d’une digitalisation « sous contrainte », l’heure est venue de s’interroger sur la place de l’omnicanal dans la relation entre les parties prenantes. En préambule, deux représentants d’IPSOS Healhtcare ont présenté les résultats d’une étude réalisée tous les deux ans, et décrivant les usages numériques des médecins français par rapport à leurs confrères de pays européens comparables. « Pour cette édition, nous avons élargi le panel, en interrogeant des généralistes, mais également des neurologues, des pédiatres et des oncologues », indique Nissrine Erraji, directrice de clientèle chez IPSOS Healthcare. Les chiffres exposés attestent d’un léger repli du corps médical français : 37% estiment que le digital permet une communication plus rapide avec le patient, contre 40% en moyenne en Europe et 47% en Allemagne. 59% jugent cette communication plus efficace, contre 62% en Europe et même 74% au Royaume-Uni. « Les Français sont légèrement en-dessous de la moyenne de leurs confrères sur la plupart des sujets, précise Alexandra Andreo, directrice du département IPSOS Healthcare. Cependant, les spécialistes sont légèrement plus appétents au numérique que les généralistes. »
Le présentiel reste prisé
Sur les liens entre professionnels de santé et laboratoires pharmaceutiques, l’enquête note également des résultats moins probants chez les Français : 44% privilégient le présentiel, contre 28% le rendez-vous virtuel et 21% le contact digital. « Pour autant, les professionnels de santé français n’ont visiblement pas de barrières idéologiques par rapport au digital, estime Alexandra Andreo. Seuls 32% craignent les réticences des patients ou la perte d’empathie, et 34% l’impersonnalité du lien par le biais du digital. Moins de la moitié estiment que la relation au patient peut se détériorer avec le digital, soit un score un peu supérieur à la moyenne des Européens interrogés. Cela montre le potentiel du numérique, pourvu que les outils de l’omnicanal soient adaptés à leurs attentes et favorisent l’individualisation des interactions, que ce soit avec les patients ou avec les industriels. »
Une évolution progressive
A l’occasion de la 1ere Table Ronde, deux experts de la communication numérique sont venus compléter l’état des lieux posé par l’enquête d’IPSOS Healthcare. Directrice générale de Global Media Santé, Elena Zinovieva rappelle la maturation progressive des usages numériques, depuis leur apparition dans le champ de la santé il y a une quinzaine d’années. « Les laboratoires ont peu à peu intégré le potentiel du numérique, alors qu’au départ, il était surtout perçu comme un moyen de réduire les coûts, dans un contexte de réduction drastique des réseaux de promotion, souligne-t-elle. Ils avaient également tendance à s’y engager par effet de mode, avec un niveau d’implication très variable d’une entreprise à l’autre. Mais, avec le Covid, les cartes ont été rebattues. » Head of Technology chez IQVIA France, Jean-Christophe Veissier confirme le tournant imposé par la crise sanitaire. « Les médecins ont repris une forme de pouvoir sur l’information recherchée, analyse-t-il. Les industriels ont dû passer du mode ”push” au mode ”pull”, avec la nécessité de répondre aux besoins d’informations scientifiques sur les thérapies, dans un environnement de plus en plus complexe et marqué par l’impératif de la sécurité d’usage. » En dix ans, les entreprises ont, selon lui, franchi plusieurs étapes : d’abord une massification des données émises, puis la constitution de CRM pour segmenter les cibles et enfin une personnalisation du lien en fonction des besoins exprimés par les médecins. « Après le Covid, nous avons observé une multiplication par sept des contacts entre médecins et MSL, ce qui illustre le fait qu’ils sont en forte demande sur le bon usage des médicaments, et beaucoup moins réceptifs aux démarches exclusivement promotionnelles. »
L’accès aux soins en toile de fonds
Comment, demain, favoriser le potentiel du numérique au service de la qualité et de la pertinence des soins ? « Deux points me paraissent indispensables pour l’avenir, indique Elena Zinovieva. D’abord les industriels doivent investir davantage dans les outils numériques à vocation pluriprofessionnelle, au niveau des soins primaires, car c’est là que se joue aujourd’hui la qualité et la disponibilité des soins. Par ailleurs, ils doivent être plus attentifs aux audiences et les vérifier soigneusement, car l’offre dans le digital est pléthorique, et il faut choisir les bons opérateurs. » Pour sa part, Jean-Christophe Veissier appelle à un assouplissement de la règlementation, afin que les industriels puissent être davantage associés aux solutions numérique pour lutter contre les déserts médicaux et améliorer l’accès aux soins.
Hervé Requillart