Politique de vaccination : comment aller au-delà des obligations ?
A une semaine du lancement de la campagne vaccinale hivernale, la web-conférence organisée par Pharmaceutiques sur le thème de la vaccination a permis de faire le point sur la stratégie nationale. Celle-ci est en constante adaptation, entre élargissement des vaccinations obligatoires ou recommandées et des compétences vaccinales, mise à disposition de nouveaux produits et simplification des schémas. Avec un double objectif : protéger les populations et alléger la pression sur le système de santé.
« La politique vaccinale est l’un des leviers les plus efficaces de notre politique de prévention : chacun de nous doit s’en saisir ». Introduisant la web-conférence « Vaccination : quels moyens pour quels objectifs » organisée par Pharmaceutiques le 8 octobre dernier (1), Christine Jacob-Schuhmacher, sous-directrice santé des populations et prévention des maladies chroniques à la DGS, a rappelé le « fardeau de la grippe sur le système de santé français », avec 1,5 million de consultations pour symptômes grippaux, 73 000 passages aux urgences et plus de 14 000 hospitalisations » au cours de l’hiver 2023-2024. Le Covid-19 continue également à peser sur le système de santé, causant 3,3 % des hospitalisations en décembre 2023. Alors que les couvertures vaccinales demeurent très en-deçà des objectifs pour les populations visées (personnes âgées ou à risques et leur entourage, femmes enceintes, nourrissons, professionnels de santé…), les autorités ont voulu simplifier au maximum les démarches.
Cette année, les campagnes de vaccination contre la grippe et le Covid-19 débuteront le même jour, le 15 octobre (alors qu’il y avait un décalage de deux semaines l’an dernier). Les deux vaccins, délivrés en pharmacie sans ordonnance, pourront être administrés de façon concomitante (un dans chaque bras). Déjà en 2023, les compétences vaccinales avaient été élargies : la majorité des vaccinations au cours de la dernière campagne avait été effectuée par des pharmaciens. « Nous espérons ainsi toucher davantage de personnes », indique Christine Jacob-Schuhmacher.
Christine Jacob-Schuhmacher, sous-directrice santé des populations et prévention des maladies chroniques à la DGS :
« La vaccination est l’un des leviers les plus efficaces de notre politique de prévention »
Un calendrier évolutif
La Haute autorité de santé (HAS) ré-évalue régulièrement ses recommandations sur le calendrier vaccinal. « La commission technique des vaccinations (CTV) de la HAS est plus méthodique que doctrinale, et se fonde sur des données scientifiques sur l’état de santé, l’efficacité et la sûreté des vaccins et la façon dont les populations reçoivent les recommandations et obligations qui leur sont faites », explique le Pr Olivier Epaulard, médecin spécialiste en maladies infectieuses au CHU de Grenoble et membre de la CTV. Un schéma vaccinal simplifié peut ainsi permettre d’augmenter la couverture.
Les autorités doivent aussi tenir compte de la montée en puissance de certaines infections. Le Pr Muhamed-Kheir Taha, responsable de l’unité des infections bactériennes invasives et du Centre national de référence des méningocoques et H. influenzae de l’Institut Pasteur, rapporte le cheminement qui a conduit à l’élargissement, à partir du 1er janvier prochain, des obligations (désormais cinq sérogroupes au lieu d’un seul pour les nourrissons) et recommandations (quatre sérogroupes pour les adolescents) en matière de vaccination contre les méningocoques. « Sans traitement rapide, la mortalité est de 100 % et même avec un traitement elle atteint 10 %, et un quart des survivants souffrira de séquelles lourdes », insiste le Pr Taha.
Le défi d’une communication ciblée
Communiquer de façon pertinente sur les recommandations représente un défi majeur – particulièrement en France où l’hésitation vaccinale est notoirement plus élevée que chez nos voisins. Le Dr Michaël Schwarzinger, responsable de l’Unité hospitalière d’innovation en prévention du CHU de Bordeaux, a rappelé à cette occasion les résultats de son étude réalisée en juillet 2020 (publiés dans The Lancet Public Health) selon laquelle 29 % des Français de 18 à 64 ans affirmaient à l’époque qu’ils refuseraient tout vaccin contre le Covid-19 ! La politique du pass vaccinal a « convaincu » les plus réticents : comment cela influera-t-il le comportement face à de futurs vaccins ? « La question reste ouverte », estime le chercheur, soulignant que l’attitude antérieure vis-à-vis de la vaccination est le premier déterminent de l’hésitation vaccinale, devant les aspects socio-démographiques. « La pandémie a tout de même sensibilisé le grand public sur le rôle des vaccins dans le contrôle des épidémies, veut croire Eric Raponi, directeur médical vaccins de GlaxoSmithKline. Mais les adultes comprennent mal l’intérêt de la vaccination pour eux-mêmes, dont les personnes de plus de 65 ans. » Le message à transmettre est que dans un contexte de vieillissement de la population et dans une optique de vivre plus longtemps en bonne santé, la vaccination est un moyen pertinent de prévenir certaines pathologies évitables graves. « Le principe est d’approcher les populations cibles avec les moyens qui leur parlent », insiste Muhamed-Kheir Taha.
L’obligation vaccinale des soignants fait toujours débat
Pour Michaël Schwarzinger, il convient aussi de « s’appuyer davantage sur les professionnels de santé, qui seront d’autant plus convaincants qu’eux-mêmes sont convaincus. Il y a un énorme travail à poursuivre pour lutter contre l’hésitation vaccinale encore très élevée chez les soignants ». Ainsi à l’issue de la précédente campagne de vaccination antigrippale, la couverture des professionnels de santé n’atteignait que 24 %, rappelle Christine Jacob-Schuhmacher.
« Face à une couverture vaccinale insuffisante, il faut se demander si le fait de transformer une recommandation en une obligation est scientifiquement pertinent », plaide le Pr Epaulard. La question de l’obligation vaccinale des soignants a beaucoup fait débat durant la pandémie de Covid-19. « Les vaccinations grippe et Covid-19 relèvent du libre choix : il n’y a pas à ce jour de réflexion active quant à une future obligation, assure Christine Jacob-Schuhmacher.
Je ne peux qu’en appeler à leur éthique et à leur sens des responsabilités. » Mais pour Olivier Epaulard, « le débat n’est pas clos », même si la vérification annuelle de ces critères vaccinaux pourrait être particulièrement complexe à organiser.
Julie Wierzbicki
(1) Web-conférence organisée avec le soutien institutionnel de GlaxoSmithKline et Takeda