Pollution : Un accélérateur des maladies métaboliques
Plusieurs études démontrent le lien entre les polluants atmosphériques et l’apparition de maladies métaboliques, notamment le diabète. L’heure est dorénavant à l’information des populations et à la formation des professionnels de santé à la prévention, comme viennent en témoigner les intervenants du colloque Santé & Environnement organisé par Pharmaceutiques. Les moyens financiers sont-ils à la hauteur des enjeux ?
Pierre Souvet, président de l’Association Santé, Environnement France (ASEF), observe une explosion du nombre de diabétiques au niveau international, passé de 366 millions en 2010 à 537 millions en 2021, un chiffre bien supérieur à toutes les prévisions. « Le constat est le même au niveau national, et avec des fortes inégalités régionales et sociales, rappelle le médecin. La région Hauts-de-France et l’agglomération marseillaise sont particulièrement concernées par le diabète et l’obésité. » Le nombre de diabétiques est en forte croissance sur l’ensemble du territoire. Une hausse de 500 000 patients est anticipée entre 2018 et 2023 selon les perspectives du rapport CNAM 2020. Cinq autres pathologies chroniques sont concernées par cette forte croissance, portant à 20 millions le nombre de patients atteints de maladies chroniques.
L’épidémie de diabète n’est pas seulement la conséquence des modes de vie actuels. Une étude américaine sur 1,7 million de vétérans montre le lien entre la pollution de l’air et les risques de développer la maladie. « Le risque augmente franchement à partir d’un seuil de 5,9 microgrammes par m3 de polluants de l’air, alors même que les normes européennes sont à 25 µg/m3, bien loin des recommandations de l’OMS à 5 µg/m3 ! », s’alarme le Dr Souvet. D’autres travaux montrent des liens avec plusieurs autres maladies métaboliques.
Adapter les pratiques des professionnels
« 89 % des Français pensent d’ailleurs que l’impact de l’environnement sur la santé est évident, rappelle Tania Pacheff, consultante et formatrice en santé environnementale, citant le baromètre de la Fondation Santé Environnement de mars 2022. En tant que professionnels de santé, il faut savoir répondre à leurs questionnements. Et il est urgent d’intégrer les risques environnementaux dans nos pratiques. » Mais la réalité rattrape vite les ambitions. « Nous n’avons pas le temps de soigner… Comment prévenir, avec le nombre de médecins qui diminue et celui des patients multi-pathologiques qui augmente ? », s’interroge Juliette Fernoux, médecin généraliste, fondatrice de @DoctoGreen. Les consultations médicales gratuites de prévention à 25, 45 et 65 ans, récemment annoncées par le ministre de la Santé François Braun, ont pour objectif de rattraper le retard de la France dans le domaine de la prévention. « C’est une bonne nouvelle, mais il faut agir beaucoup plus tôt, les milles premiers jours de l’enfant étant cruciaux », complète-elle. « Ces consultations sont dédiées à la vaccination, au dépistage de certains cancers, aux addictions à l’alcool et au tabac, et à la perte d’autonomie… mais rien ne concerne la santé environnementale ! », alerte le Dr Souvet.
Un manque d’information
La population a besoin d’être davantage informée sur ces problématiques de santé environnementale. « On entend beaucoup parler de la pollution de l’air extérieur, mais celle de l’air intérieur (8 à 10 fois supérieure) est largement sous-estimée », confirme Tania Pacheff. « Il existe une pollution subie (par l’environnement) mais aussi une pollution « choisie » (via notre mode de consommation, notamment de l’alimentation et des cosmétiques) sur laquelle il est plus facile d’avoir une action », complète Juliette Fernoux. Elle cite le nécessité d’éliminer le plastique au contact de l’alimentation et d’aérer les pièces matin et soir comme des exemples de bonnes pratiques faciles à mettre en place à la maison. Mais des décisions politiques sont indispensables. « Nous avons eu l’opportunité de nous faire entendre lors des discussions de la Loi Egalim, et l’amendement 28 interdira ainsi – d’ici le 1er janvier 2025 – toute utilisation de contenants en matière plastique dans les services de restauration collective, de la maternelle aux universités », se félicite ainsi Tania Pacheff. Le changement des pratiques, individuelles et collectives, nécessitera également un accompagnement. « Les fumeurs savent que fumer tue, mais cela ne leur suffit pas à arrêter la cigarette », illustre la formatrice. Ce type de suivi ne fait pas parti de la formation médicale initiale, il faut faire évoluer les choses. Et cela nécessitera des investissements. « Le Gouvernement doit mettre les moyens sur les plans régionaux santé environnement (PRSE) », insiste Pierre Souvet.
Juliette Badina