Préserver la qualité de la vision : enjeux et solutions
Cette première table-ronde a mis en évidence l’importance de la prévention, du dépistage précoce et de la sensibilisation sur les troubles visuels dès le plus jeune âge pour lutter contre ces pathologies et améliorer la qualité de vie des patients.
Le Pr Dominique Brémond-Gignac, chef de service d’ophtalmologie à l’Hôpital Necker Enfants malades (AP-HP), a ouvert le webinaire « Santé visuelle, santé de l’œil : un bien fragile » organisé par Pharmaceutiques le 3 décembre (1) en présentant les principaux troubles de la vue et leur épidémiologie, mais également les principales prises en charge. Elle souligne que « la DMLA est la principale cause de malvoyance chez les plus de 50 ans, touchant environ 200 millions de personnes dans le monde et des perspectives à 288 millions prévues d’ici 2040 ». Elle a également mentionné les progrès significatifs dans les traitements, notamment les injections intraoculaires d’anti-VEGF. Parmi les pathologies de la rétine, la rétinopathie diabétique touchait en 2020 100 millions de patients dans le monde et impactera en 2045 12 % de la population mondiale, et 30 à 40 % des diabétiques. « Une meilleure hygiène de vie est la plus efficace des préventions », signale-t-elle. Parmi les autres pathologies de l’adulte, le glaucome touche 3 % de la population de plus de 50 ans (souvent active, avec une dégradation progressive qui ne se sent pas et évolue vers la cécité) et nécessite un dépistage précoce. La cataracte représente elle 800 000 interventions chirurgicales par an en France. Le syndrome de l’œil sec impacte 10 à 20 % de la population de plus de 40 ans. « C’est une pathologie qui se développe de plus en plus avec l’exposition aux écrans et la pollution atmosphérique et elle existe même chez l’enfant. » Le Pr Dominique Brémond-Gignac insiste ainsi sur les pathologies des jeunes : « Un enfant devient aveugle chaque minute », s’alarme-t-elle, dénombrant 1,8 million d’enfants aveugles dans le monde avec une prévalence pouvant atteindre 1,5 pour 1000.
La moitié de la population myope en 2050
Selon les études de l’Inserm et l’AsnaV (2), 20 % des moins de six ans ont des anomalies oculaires nécessitant un dépistage et une prise en charge par les trois O de la filière (Ophtalmologiste, Orthoptiste et Opticien) pour récupérer de l’acuité visuelle. « Les traitements permettent de changer l’avenir des enfants », indique le Pr Dominique Brémond-Gignac en citant la rééducation de la baisse d’acuité visuelle dans l’amblyopie ainsi que la prévention et le freinage la myopie. Elle s’inquiète du risque de complications (décollement de rétine, maculopathie, strabisme…) des formes sévères de myopie à l’âge adulte. Lors de la première table-ronde de cette matinée, les intervenants ont ainsi discuté des défis et des solutions pour préserver la qualité de la vision face à l’augmentation des troubles visuels. Olivier Marre, directeur de recherche à l’Institut de la Vision, a mis en lumière l’importance de la prévention de la myopie. Cette maladie pourrait toucher la moitié de la population mondiale d’ici 2050 selon les prévisions de l’OMS, dont près d’un milliard de myopes forts, contre 20 % de la population en 2000. Ces problématiques ont conduit à la création d’un Institut français de la myopie à l’Hôpital Fondation Adolphe de Rothschild. « Nous devons encourager les enfants à passer davantage de temps à l’extérieur (2,5 heures/jour), la lumière du jour ayant un effet protecteur contre ce problème de vue », a-t-il déclaré.
Des solutions frénatrices efficaces
« Pendant longtemps, la myopie n’a pas été considérée comme une pathologie grave, alors qu’elle peut conduire à des complications nombreuses », s’alarme Olivier Marre, également responsable de la chaire MYOPIAMASTER. Cette chaire industrielle, financée par ANR et Essilor (leader des optiques ophtalmiques), cherche à comprendre les mécanismes de croissance de l’œil et permet de travailler à des solutions de verres spécifiques pour freiner la progression de la myopie. Prûne Marre, directrice générale d’Essilor France, a présenté les résultats prometteurs des verres StellestTM, qui viennent freiner l’élongation de l’œil, ralentissant la progression de la myopie de 1,75 dioptrie sur cinq ans. « Seulement 10 % des enfants utilisent ces verres, alors que 20 % des cas de myopie progressent rapidement », a-t-elle déploré, soulignant le manque de sensibilisation des parents par l’ensemble des acteurs de la filière de la santé visuelle. 72 % d’entre eux estiment ne pas être suffisamment informés. Vincent Perrin, directeur général de J&J Vision pour la France et le Benelux, insiste sur l’importance d’informer sur les solutions disponibles. « Nous arrivons sur le marché avec une approche volontariste et individuelle sur la freination de la myopie chez l’enfant par des solutions combinées de lentilles (de jour et de nuit) et de verres, détaille-t-il. Nous avons obtenu le statut Breakthrough de la FDA, ce qui est rare dans le champ de la santé visuelle », se félicite-t-il.
Vers une meilleure prise en charge
Cédric Thein, directeur général de l’association de patients MYopiA, est venu partager sur le plateau son expérience personnelle en tant que patient atteint d’une myopie forte (ayant déjà conduit à la cécité d’un œil puis à l’atteinte du nerf optique). « La myopie n’est pas une fatalité », veut-il croire, appelant à une considération du handicap dès que la myopie est supérieure à moins six dioptries et à une prise en charge par l’assurance maladie, à l’adaptation des conditions de travail et à un soutien psychologique pour les patients.
Enfin, Dr Cati Albou-Ganem, ophtalmologue spécialisée en chirurgie réfractive, présidente et fondatrice de la SoFem (3), a évoqué les avancées dans ce domaine, tout en rappelant que « la chirurgie réfractive ne freine pas la progression de la myopie, mais offre des solutions complémentaires et adaptées à chaque patient ». Elle déplore toutefois que la pénétration de la chirurgie réfractive reste faible en France (100 000 patients/an), en comparaison d’autres pays d’Europe.
Juliette Badina
(1) Evènement organisé avec le soutien institutionnel de Essilor, Johnson & Johnson Vision et Tilak Healthcare
(2) AsnaV – Association pour l’amélioration de la Vue
(3) SoFem – Société Ophtalmologique Féminine, créée en 2021