Probiotiques : mythe ou réalité ?
Une alimentation saine et diversifiée reste le meilleur moyen de préserver ou de restaurer les fonctions du microbiote intestinal. Dans certains cas, les probiotiques peuvent aussi y contribuer, mais tous les produits ne se valent pas…
La connaissance scientifique progresse, mais le sujet conserve une part de mystère. Alimentation, médication, fluctuations hormonales, stress… Plusieurs phénomènes peuvent altérer la composition du microbiote intestinal, dont le déséquilibre peut être la source de nombreuses pathologies, comme les infections à Clostridium difficile ou les diarrhées associées à la prise d’antibiotiques. « Il existe un lien moins dominant entre son fonctionnement et la survenue de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, de pathologies métaboliques et de certains cancers, mais cette implication n’a pas encore été caractérisée par la science », souligne Harry Sokol, professeur de gastro-entérologie à l’hôpital Saint-Antoine*. Une chose est sûre : un régime alimentaire équilibré et diversifié reste le meilleur moyen de préserver ou de restaurer son microbiote. « La quantité et la variété des fibres végétales et des protéines animales ingérées sont des paramètres déterminants. La réduction des sucres et des graisses le sont également », confirme Gilles Mithieux, directeur de recherche au CNRS et directeur de l’unité Inserm « nutrition, diabète et cerveau ». Les aliments transformés, la viande rouge et la charcuterie sont fortement déconseillés.
Un manque de preuves cliniques
Moins drastiques que les transplantations fécales, les probiotiques classiques peuvent avoir des vertus réparatrices, mais tous les produits commercialisés ne se valent pas, chaque micro-organisme ayant des propriétés spécifiques. Malgré une offre pléthorique, la démarche demeure empirique, faute de données cliniques. Dans l’immense majorité des cas, leur efficacité n’a pas été démontrée. « Les professionnels de santé ne disposent pas des preuves nécessaires pour les prescrire ou les conseiller dans des indications ou des situations précises. Les fabricants doivent mener des essais de grande envergure pour mieux documenter les bénéfices apportés », confirme Alexandre Cavezza, directeur exécutif de MetaGenoPolis, une unité de recherche Inrae qui veut cartographier un microbiote intestinal en bonne santé pour améliorer la compréhension, le diagnostic et le traitement des maladies apparentées. Les options actuelles étant limitées… « Il est préférable de choisir les produits recommandés par des sociétés savantes », pointe Maxime Prost à La Denise, directeur médical de Biocodex France, qui propose une gamme de compléments alimentaires agissant sur différentes sphères, notamment digestives et métaboliques. Le fait est communément admis : rares sont les probiotiques qui bénéficient du statut de médicament. Soixante-deux ans après son enregistrement, l’antidiarrhéique Saccharomyces boulardii fait toujours office de référence dans ce domaine.
Une nouvelle génération de traitements
Alternatives thérapeutiques en devenir, les probiotiques de nouvelle génération pourraient-ils changer la donne ? Contrairement aux probiotiques classiques, essentiellement composés de micro-organismes extraits de l’environnement ou de produits alimentaires fermentés, ils sont directement issus du microbiote intestinal humain. « Cette approche pourrait être plus durable et surtout plus efficace. La piste du médicament semble être davantage privilégiée par les industriels, ce qui sous-entend des études cliniques robustes dans des indications clairement définies », estime Harry Sokol. Autre caractéristique notable : les travaux les plus avancés ciblent des pathologies où le rôle du microbiote est solidement établi, comme la maladie de Crohn, la rectocolite hémorragique, le syndrome de l’intestin irritable ou encore le diabète. Plusieurs bactéries candidates sont également développées pour stimuler la réponse aux immunothérapies anticancéreuses. Spécialisés ou non, les acteurs privés devront être les moteurs du changement. « Nous soutenons des sociétés de biotechnologie qui travaillent sur des projets ambitieux dans la leucémie et la régulation de la satiété », rappelle Maxime Prost à La Denise, citant notamment Maat Pharma et TargEDys. Selon les experts réunis par Pharmaceutiques, la recherche et le financement seront deux leviers critiques pour « médicaliser » les probiotiques.
Jonathan Icart
NB : ces propos ont été recueillis durant la troisième table ronde du colloque sur le microbiote, organisé par Pharmaceutiques le 16 février dernier.
(*) Le Pr Harry Sokol est également coordinateur du centre de transplantation fécale de l’AP-HP. Il est aussi l’auteur d’une bande dessinée intitulée Les extraordinaires pouvoir du ventre.