Santé de la femme : comment améliorer les réponses du système de santé ?
Le constat est au manque de dépistage et de prévention en France ainsi qu’à une prise en charge peu efficiente des pathologies de la femme. L’endométriose en est l’illustration. Les réponses du système de santé pour améliorer l’accès aux soins et la qualité de la prise en charge sont au centre des discussions de la 2e table-ronde du colloque « Santé de la femme ».
« La France est l’un des pays européens dans lesquels la dimension de prévention est la plus faible : seules 12 % des femmes ont déclaré avoir été testées contre un cancer au cours de l’année précédente et 6 % contre les infections sexuellement transmissibles », indique Antoine Bara, directeur général d’Hologic France, lors de la présentation – au colloque « Santé de la femme » organisé le 28 mars par Pharmaceutiques (1) – des principaux résultats de la 2e édition de l’Indice mondial de la santé des femmes. Il s’agit d’une enquête pluriannuelle basée sur les expériences et ressentis de plus de 60 000 femmes et filles de 122 pays sur leur santé, selon cinq indicateurs (besoins fondamentaux, santé et sécurité, soins de prévention, santé mentale, santé individuelle) qui sont prédictifs de 80 % de leur espérance de vie. La place de la France reste constante dans le classement, à la 12e place européenne (27e position mondiale), avec des marges de progression importantes sur la sensibilisation au dépistage précoce, mais aussi sur les besoins fondamentaux, notamment de logement et d’alimentation où les résultats sont en dessous de la moyenne. Hologic, qui développe, fabrique et fournit des produits innovants pour la détection précoce, le diagnostic et le traitement du cancer du col de l’utérus, du cancer du sein et d’un certain nombre d’autres maladies qui touchent principalement les femmes, est également engagé pour aider la société à évoluer en matière de santé des femmes, via divers partenariats et subventions d’associations.
L’endométriose : un cas symptomatique
Axelle Ayad, représentante de l’association ENDOmind au sein de France Assos Santé, est venue témoigner de la difficulté à trouver des professionnels de santé qui connaissent sa pathologie : l’endométriose, qui touche une femme sur dix en France, et est symptomatique des enjeux de parcours de santé des femmes. « La situation s’améliore toutefois, grâce au travail réalisé par les associations de patientes et à la stratégie nationale lancée en janvier 2022 qui a mis le focus sur la maladie et apportera des financements dédiés ». Perrine Goussault-Capmas, gynécologue à l’Hôpital Bicêtre (AP-HP) et enseignante chercheuse à l’Université Paris-Saclay, rappelle à ce titre que « jusqu’en 2020, les médecins généralistes n’étaient pas formés à l’endométriose, alors qu’ils sont la première entrée dans les soins des patientes ». Le Développement professionnel continu (DPC) permet aussi, sur la base du volontariat, de se former, mais « les retards diagnostic et thérapeutique sont importants et les prises en charge non pertinentes », regrette Axelle Ayad, également présidente et fondatrice il y a cinq ans de Mapatho.com, qui offre du contenu informatif sur les pathologies chroniques. « La bonne information des patientes, comme la formation des professionnels de santé, est essentielle, et il existe un vrai besoin de réconciliation », complète Valérie Desplanches, présidente & co-fondatrice de la Fondation pour la recherche sur l’Endométriose, citant de trop nombreuses jeunes filles qui arrivent en consultation débordées émotionnellement par la mésinformation glanée sur Internet et les réseaux sociaux.
Evaluer les coûts de la maladie
« Il est urgent d’évaluer les coûts de mauvaise prise en charge de l’endométriose, notamment à cause des douleurs menstruelles et du manque de productivité associé des patientes, pour investir dans un meilleur système de santé », indique Marie Thubeuf-Luks, fondatrice de @Care me up, co-fondatrice et membre du Comité d’organisation du collectif « Femmes de Santé ». Si le « congé menstruel » est une « fausse bonne idée », puisque stigmatisant, il a la vertu de mettre le sujet sur la table. Il reste à déterminer des mesures d’accompagnement. Les intervenantes de cette table-ronde ont émis plusieurs évolutions possibles et nécessaire du système de santé pour la prise en charge de ces pathologies de la femme. Axelle Ayad milite pour une reconnaissance et une prise en charge de l’endométriose comme Affection de Longue Durée (ALD). « Un gros travail est en train d’être mené à la Cnam », précise-t-elle. Valérie Desplanches réclame davantage d’investissements pour la recherche « qui nous dit encore très peu de chose depuis la caractérisation de la maladie en 1860 : ni le mécanisme, ni les causes, et aucun traitement curatif », regrette-t-elle. Le Programme et équipement prioritaire de recherche (PEPR), doté de plus de 20 M€ sur cinq ans, regroupera les meilleurs chercheurs de toutes les disciplines pouvant intervenir dans le domaine. Perrine Goussault-Capmas insiste sur la nécessité de faire entrer les usagers et notamment des patients experts dans le système de soins. Marie Thubeuf-Luks mise sur l’innovation par l’entreprenariat au féminin, qui souffre d’une double peine puisque les femmes bénéficient de moins de financements. « Je plaide pour un ROH (Return On Health), un indicateur sur le modèle du ROI (Return On Investment) qui permettrait de mesurer l’apport en santé et l’impact sociétal d’un projet ».
Juliette Badina
(1) Evènement organisé avec le soutien de Hologic et de Theramex
