Signatures génomiques : un atout inexploité dans le cancer du sein ?
Les signatures génomiques ont démontré des bénéfices concrets dans la prise en charge de certains cancers du sein de stade précoce, notamment en matière de désescalade thérapeutique. Le périmètre des indications et la nature du financement entravent pourtant leur généralisation.
Le véritable potentiel des signatures génomiques fait encore débat. Malgré les bénéfices démontrés dans certains cancers du sein hormonodépendants de stade précoce, leur utilisation demeure limitée pour des raisons scientifiques et économiques. Partiellement remboursés depuis huit ans, ces tests personnalisés permettent de caractériser l’agressivité de la tumeur et de prédire le risque de rechute. Ils peuvent être sollicités par le corps médical pour confirmer ou infirmer une indication de chimiothérapie adjuvante, dont les conséquences ne sont jamais anodines. « La piste des signatures génomiques peut être activée lorsque les critères clinico-pathologiques habituels laissent entrevoir une incertitude en matière de récidive. Cette solution favorise la désescalade thérapeutique et améliore sensiblement la qualité de vie des femmes concernées », commente Florence Lerebours, oncologue médical au sein de l’Institut Curie-Saint-Cloud. Selon ses estimations, 30 % des patientes pourraient se contenter d’une « simple » hormonothérapie, mais elles sont nettement moins nombreuses dans les faits.
Un cadre restrictif
A la lumière de nouvelles données, la Haute Autorité de santé vient de redéfinir les populations éligibles aux signatures génomiques, en incluant les patientes ménopausées ou de plus de cinquante ans qui présentent des tumeurs avec un maximum de trois ganglions envahis, mais en excluant les femmes de plus de soixante-dix ans. Ce recours est également très encadré chez les patientes en préménopause ou âgées de cinquante et moins. Dénoncée par certaines associations, qui regrettent notamment le maintien des inégalités d’accès, la décision ne convainc pas totalement les praticiens. « Ces recommandations me semblent un peu restrictive au regard des preuves scientifiques récentes et de la pratique courante », souligne Sonia Zilberman, spécialiste en chirurgie carcinologique et onco-plastique et coordinatrice du Centre du Sein de l’Est Parisien. La complexité du sujet explique en partie les bornes fixées. « Il existe une méconnaissance globale et un mésusage assez fréquent des signatures génomiques. Chaque situation doit être analysée de manière personnalisée en fonction des caractéristiques biologiques de chaque tumeur », affirme Florence Lerebours. Une chose est sûre : aucune diminution concomitante des prescriptions de chimiothérapies adjuvantes n’a été constatée.
Un appel au remboursement
La nouvelle était espérée, mais il faudra encore patienter. Faute de données cliniques existantes ou probantes, la HAS dit ne pas pouvoir statuer sur le remboursement de droit commun des quatre signatures génomiques commercialisées en France. En attendant la fin des travaux en cours, elles resteront donc inscrites au référentiel des actes innovants hors nomenclature. Un mode de financement dérogatoire qui comporte plusieurs inconvénients, dont celui de ne couvrir que la moitié de la dépense. Autre contrainte majeure : le RIHN est une enveloppe fermée. Une fois les crédits épuisés, leur réalisation pèse intégralement sur le budget des établissements de santé. « Les médecins peuvent toujours les prescrire, mais le choix final doit être validé par les directions hospitalières. Certaines structures ne peuvent pas assumer cette charge financière au détriment des patientes éligibles », rappelle Sonia Zilberman, qui plaide ouvertement pour le remboursement des signatures génomiques dans les indications visées afin de « réduire les pertes de chance, faciliter le retour au quotidien des malades et dégager des économies pour la collectivité ». Généralement facturé autour de deux mille euros, ce type de test coûte six fois moins cher qu’une chimiothérapie préventive… sans effets indésirables invalidants.
Jonathan Icart
NB : ces propos ont été recueillis durant la troisième table ronde du colloque sur la santé de la femme organisé par Pharmaceutiques le 28 mars dernier.