Télésurveillance : une chance pour la cardiologie
Le 8 novembre dernier, à l’occasion du colloque de Pharmaceutiques consacré à la prise en charge des maladies cardio-vasculaires, quatre experts ont fait le point sur l’apport de la télésurveillance, au service d’un meilleur parcours de soins des patients.
Depuis le 1er juillet dernier, la télésurveillance est désormais entrée dans le droit commun. Après les années d’expérimentation menées dans le cadre du programme ETAPES, la prestation, remboursée pour les patients et rémunérée pour les professionnels, se déploie dans quatre domaines thérapeutiques : l’insuffisance cardiaque, l’insuffisance rénale, le diabète et l’insuffisance respiratoire. Pour les experts réunis par Pharmaceutiques, le potentiel de la télésurveillance est particulièrement prometteur dans le champ des pathologies cardio-vasculaires. « Elle a démontré de réels atouts pour optimiser la prise en charge des patients, d’abord en oncologie mais également pour le suivi de l’insuffisance cardiaque, avec une réduction moyenne de l’ordre de 30% de la morbi-mortalité, indique Yann-Maël Le Douarin, adjoint au chef de bureau Coopérations et Contractualisations à la DGOS. Notre pays est le premier à généraliser l’accès de ces patients à cette solution numérique qui leur apport un bénéfice médical important. »
Chef de service à l’Hôpital-Bicêtre, le Pr Patrick Jourdain confirme : « l’apport médico-économique de la télésurveillance dans l’insuffisance cardiaque est spectaculaire, alors que deux tiers des patients doivent être réhospitalisés dans l’année en raison d’un mauvais suivi de la pathologie. Grâce à la télésurveillance, la moitié de ces réhospitalisations peuvent être évitées, notamment parce que les symptômes apparaissent en moyenne 14 jours avant le retour nécessaire en établissement. » Outre les coûts évités, la santé des patients est à la clé : 12% de ces épisodes de réhospitalisation se traduisent par le décès du patient.
Des données à fort potentiel
Avec le déploiement de ces solutions, c’est également l’exploitation des données recueillies qui est saluée. Cardiologue et dirigeant-fondateur de la start-up Implicity, Arnaud Rozier explique l’intérêt de structurer ces données pour optimiser la prise en charge des patients. « Chez Implicity, nous avons développé des algorithmes qui permettent de stratifier le niveau de risque des patients télésurveillés. Pour les équipes médicales, c’est un apport majeur pour consacrer leur expertise aux patients réellement déséquilibrés. Ceux dont la situation est stable n’ont pas besoin d’être revus tous les six mois, ce qui est le cas aujourd’hui. »
Autre application de la télésurveillance, Nejma Saidani, directrice Affaires Publiques et Economiques chez Boston Scientific, évoque son intérêt dans le suivi des patients équipés de pacemakers et de défibrillateurs cardiaques. « Notre entreprise pratique cette technologie depuis 2000, avec plusieurs dizaines de milliers de patients équipés dans le monde et une expérience solide démontrant l’amélioration de l’état de santé moyen de la population suivie, explique-t-elle. Le passage en France dans le droit commun est bien sûr une évolution positive, mais cela a été parfois compliqué de défendre, auprès de l’administration la nécessité de mettre en place une réglementation et une tarification adaptée pour soutenir la montée en puissance de ces solutions de télésurveillance. »
Des outils pour plus d’efficacité
De fait, comme le reconnait Vincent Vercamer, directeur de projets à la Délégation du Numérique en Santé, le défi est aujourd’hui d’accompagner le changement d’échelle induit par l’inscription de la télésurveillance dans le droit commun. « La conduite du changement est toujours ce qui prend le plus de temps, souligne-t-il. La télésurveillance a vocation à s’étendre, par exemple pour les patients polypathologiques ou ceux atteints de maladies très fréquentes comme l’HTA. Nous sommes mobilisés, à la DNS, pour soutenir professionnels de santé et patients dans l’appropriation de ces solutions au service de parcours de soins mieux organisés. » Comme le précise Arnaud Rozier, des sociétés comme Implicity s’intéressent à ces nouveaux usages, notamment dans l’HTA. « Il était important d’aboutir sur la rémunération de la valeur de ces solutions pour les professionnels qui les utilisent et sur les clés de répartition entre les différentes catégories d’acteurs. A présent, il faut aller plus loin, pour favoriser les nouveaux usages, consolider les preuves de valeur et reconnaitre les bénéfices apportés par la donnée. » Pour Patrick Jourdain, la télésurveillance est une illustration de la numérisation globale de la médecine, à l’instar de tous les autres secteurs de la société. « Ce ne sont que des outils, qui doivent servir la performance et l’efficacité des soins, observe-t-il. Pour nous, à l’hôpital, la télésurveillance doit déjà répondre à un enjeu-clé : réduire le recours aux urgences, toutes pathologies confondues, en permettant un tri plus efficace entre les patients selon leur état de santé. »
Hervé Requillart