Transplantation : le défi de la qualité de vie
La qualité de vie des personnes transplantées soulève des enjeux thérapeutiques, économiques et sociétaux. Appuyée par le législateur et le régulateur, la transformation passera notamment par une éducation renforcée des patients, ne serait-ce que pour améliorer l’observance des traitements.
La qualité de vie des patients greffés a nettement augmenté au cours des vingt dernières années. Globalement partagé par les soignants et les soignés, ce constat ne saurait toutefois éclipser les nombreuses contraintes qui altèrent leur quotidien, comme la prise régulière de médicaments ou encore leur sensibilité accrue aux infections fongiques, virales et bactériennes. Autre inconvénient notable : tous les individus ne sont pas égaux devant la greffe. L’espérance de vie des greffons hépatiques est trois fois plus importante que celle des greffons rénaux qui représentent pourtant la grande majorité des transplantations réalisées en France. Plus efficaces et plus durables, les greffes d’organes prélevés sur des donneurs vivants sont encore très largement minoritaires, comme en témoignent les dernières statistiques publiées par l’Agence de la biomédecine. Un problème critique nécessitera par ailleurs la mobilisation de tous les acteurs : un quart des patients transplantés ne seraient pas observants.
Deux évolutions incontournables
Souvent vécue comme une libération, notamment par les patients sous dialyse, la greffe n’est pas une sinécure pour autant. « Ces personnes sont immunodéprimées et donc plus exposées aux agents pathogènes. Cette vulnérabilité extrême exige une vigilance constante de la part de leur entourage, mais aussi de la société qui doit être davantage sensibilisée sur les problématiques du don d’organes et les conséquences de la greffe », rappelle Bruno Lamothe, responsable du pôle plaidoyer de Renaloo. Réclamée de longue date par les associations de patients, une intervention du législateur sera indispensable pour annihiler les discriminations, que ce soit dans le milieu professionnel ou en matière de couverture assurantielle. Totalement inexistant, un droit à l’oubli y contribuerait grandement. Informations générales, restrictions particulières, effets secondaires… « Une éducation thérapeutique renforcée pourrait faciliter la vie des patients et favoriser la maîtrise des enjeux du traitement, mais le manque de moyens humains et financiers entrave le développement des programmes spécialisés dans les établissements de santé », relève Eric Buleux-Osmann, président de la Fédération Transhépate. Si la formation et le recrutement des équipes soignantes demeurent une priorité, la co-construction des ateliers avec les usagers sera également un facteur déterminant.
Un modèle plus vertueux
Désormais inscrite dans le droit commun, la télésurveillance pourrait alimenter un modèle économique dédié, qui permettrait de sanctuariser du temps soignant pour accompagner les patients stabilisés. « Ce suivi dématérialisé ne remplace pas la prise en charge traditionnelle ni les consultations présentielles. Il apporte des options supplémentaires pour améliorer le service rendu et réduire les complications potentielles. Les revenus générés sont réinvestis pour acheter du matériel et recruter du personnel, dont des infirmières en pratique avancée », détaille Alexandre Hertig, chef du service néphrologie de l’Hôpital Foch, qui télésurveille actuellement quatre cents personnes transplantées. L’efficacité de ce « modèle vertueux » devra néanmoins être démontrée dans la durée. Parties prenantes du bon usage des immunosuppresseurs, les laboratoires pharmaceutiques devront surtout accroître leurs efforts de recherche, en fournissant notamment des solutions additionnelles contre le phénomène croissant des microbiorésistances. Certaines conditions sont ouvertement posées. « La mesure de la qualité de vie devra être mieux prise en compte par les évaluateurs et les payeurs. La collecte et la modélisation des données en vie réelle seront deux prérequis majeurs », affirme Thierry Marquet, directeur de l’accès des patients à l’innovation chez Takeda France. La disponibilité des traitements existants sera également un aspect prépondérant.
Jonathan Icart
NB : ces propos ont été recueillis durant la troisième table ronde du colloque sur la transplantation organisé par Pharmaceutiques le 27 septembre dernier.