Alain Grollaud, président de Federgy : « Le regard sur notre profession a changé ! »
Président du syndicat des groupements de pharmaciens, Alain Grollaud tire les premiers enseignements de la crise sanitaire. Selon lui, la pharmacie sortira grandie de la pandémie. Il réclame néanmoins un droit d’accès immédiat à tous les vaccins existants.
Quel rôle les pharmaciens d’officine ont-ils joué depuis le début de la crise sanitaire ?
Dans un contexte difficile et incertain, les pharmaciens ont assuré la continuité des soins. Ils ont accueilli de nombreux patients chroniques qui craignaient de fréquenter les cabinets médicaux et les établissements de santé. Ils ont aussi maintenu le lien social, notamment pendant les deux périodes de confinement. Progressivement inclus dans la stratégie de dépistage, ils ont contribué à ralentir la propagation du virus, en facilitant la détection précoce des cas symptomatiques. Ils ont été omniprésents depuis un an.
Quel a été l’apport spécifique des groupements ?
Les groupements ont soutenu les pharmaciens tout au long de la pandémie. Ils ont régulièrement informé leurs adhérents. Ils ont également sécurisé leurs approvisionnements, qu’il s’agisse des médicaments, des masques ou des tests. Ils ont surtout déployé de nombreux services circonstanciés, usant notamment des nouvelles technologies pour garantir l’accès aux soins. Outre la livraison des médicaments à domicile, nous avons plus particulièrement accompagné le déploiement de la télésanté à l’officine.
Quelles sont les premières grandes leçons de cette pandémie ?
Aux côtés des laboratoires et des grossistes-répartiteurs, les groupements ont maîtrisé la gestion des stocks. Ils ont aussi su anticiper la demande. Si des tensions ont été signalées, aucune rupture majeure n’a été constatée, y compris sur les spécialités les plus délivrées. Une chose est sûre : le regard sur notre métier a changé. Longtemps considéré comme un simple commerçant, le pharmacien a peut-être définitivement gagné ses galons de professionnels de santé. Nous avons observé un véritable élan vers les officines de proximité.
La mobilisation des pharmacies d’officine peut-elle changer la dynamique de la campagne vaccinale ?
Le réseau officinal ne manque pas d’atouts pour améliorer la couverture vaccinale. Il s’appuie sur un maillage territorial cohérent. Il bénéficie de la confiance du grand public. Il dispose des compétences requises. La grippe saisonnière est un exemple probant en la matière. Inestimable en temps de crise, ce potentiel est totalement bridé. Malgré les annonces gouvernementales, nous ne sommes toujours pas habilités à administrer le AZD1222*. Dans l’intérêt des patients, nous revendiquons également un droit d’accès aux vaccins à ARN messager.
Quels sont les freins à lever ?
Tout dépendra des doses disponibles et des autorisations règlementaires. Les contraintes logistiques ne sont pas insurmontables. Les effets secondaires sont relativement peu nombreux. Le dossier pharmaceutique nous permettrait par ailleurs d’identifier les interactions et les contre-indications éventuelles. La vaccination de la population doit être une priorité de santé publique. Dangereusement exposés au virus, les plus de 65 ans sont une cible stratégique. La mobilisation des pharmaciens contribuerait à réduire significativement les pertes de chance.
Propos recueillis par Jonathan Icart
(*) Le vaccin AZD1222 a été co-développé par le laboratoire AstraZeneca et l’université d’Oxford. Son utilisation est strictement réservée aux établissements de santé, aux centres de vaccination et aux médecins de ville. Faute de preuves d’efficacité, il n’est pas recommandé chez les plus de 65 ans.
Pour mieux cerner les impacts de la pandémie sur les différents métiers de la pharmacie, lire notre dossier spécial « Crise sanitaire : les pharmaciens montent au front ».