Convention pharmaceutique : un déploiement saccadé
Le déploiement effectif de la nouvelle convention pharmaceutique prendra du temps. Au-delà des nombreux freins évoqués par la profession, la future discussion économique sera décisive pour garantir la pérennité du réseau officinal.
L’ambition se heurte au principe de réalité. Prévention, bon usage, accès aux soins, transition numérique… La nouvelle convention pharmaceutique consolide et renforce le positionnement du pharmacien dans le champ de la santé publique. « Elle confère une autonomie inédite à la profession, en réduisant notamment sa dépendance à la prescription. La quasi-totalité des dispositifs entérinés sont à la main des pharmaciens. Ce sera une avancée majeure pour la population. Il y aura des incidences positives sur la qualité de la prise en charge et la coordination des parcours de santé », estime Philippe Besset, président de la FSPF. Quatre mois après sa signature, le texte est pourtant loin de produire tous ses effets, y compris en ce qui concerne les quatre premières missions lancées en mai dernier : la dispensation à l’unité pour les antibiotiques critiques et fractionnée pour les médicaments stupéfiants, la téléconsultation assistée en officine, le dispositif du pharmacien correspondant et le dépistage du cancer colo-rectal. « Il manque toujours un petit quelque chose pour concrétiser la promesse », regrette Philippe Besset. Disposition phare de cet accord conventionnel, l’élargissement des prérogatives vaccinales du pharmacien – au-delà de la grippe saisonnière et du Covid-19 – n’interviendra pas avant le 1er janvier prochain.
Des freins multiples
Ce déploiement saccadé suscite incompréhension et frustration. « Il existe des freins législatifs, règlementaires et juridiques qui retardent la mise en œuvre opérationnelle de la réforme », reconnaît Thomas Fatôme, directeur général de la Cnam. Parmi d’autres raisons, il évoque notamment le délai incompressible de six mois précédant l’entrée en vigueur des mesures ayant un impact tarifaire. Une « règle injustifiée » que le président de la FSPF propose d’abolir, comme le suggéraient récemment les Libéraux de santé dans un projet de loi alternatif. Les blocages institutionnels n’expliquent pas tout. Certains aspects pratiques et techniques ralentissent inévitablement le plan de marche initial. « Les pharmaciens savent répondre à la demande de leurs patients, mais ils ne sont pas encore formés pour promouvoir et piloter tous les services de santé prévus », rappelle Philippe Besset. Autre défi en perspective : ils devront impérativement composer avec le « big bang » numérique. « Notre façon de travailler va changer. Les logiciels de vente vont devenir des logiciels de gestion des patients, tant pour les pathologies que les parcours. » Une chose est sûre, ces deux mutations structurelles nécessiteront une appropriation pleine et entière de la méthode « aller vers », et une identification plus fine des usagers et de leurs besoins de santé.
Transparence et pédagogie
Transparence et pédagogie : tels sont les leviers priorisés par les partenaires conventionnels pour soutenir la dynamique amorcée dans la durée. En complément des messages électroniques adressés aux assurés et des visites officinales réalisées par les délégués de l’assurance maladie, la FSPF effectuera un « Tour de France » des pharmacies pour détailler les enjeux et expliciter les modalités concrètes de la convention pharmaceutique. « Nous devons donner de la visibilité aux différents acteurs en proposant un calendrier clair et précis. La feuille de route est dense, mais les choses vont s’accélérer d’ici la fin de l’année », affirme Thomas Fatôme. A l’instar des entretiens personnalisés pour les femmes enceintes, plusieurs nouveautés sont attendues début novembre. D’autres accompagnements et d’autres chantiers, à l’image du volet écologique, seront également initiés dans les mois à venir. Programmée au premier semestre 2023, la discussion économique devra notamment permettre de mesurer les premiers impacts de la réforme, en particulier sur les plus petites pharmacies, mais aussi de favoriser le développement du réseau officinal dans un contexte d’inflation galopante. Toutes dispositions confondues, cet accord conventionnel représente déjà un investissement de 127 millions d’euros.
Jonathan Icart
NB : ces propos ont été recueillis lors de la table ronde inaugurale du dernier congrès national des pharmaciens qui s’est tenu les 25 et le 26 juin derniers à Lille.