Des pistes pour une nouvelle politique du médicament
La crise du covid-19 invite à « repenser la gouvernance de la politique du médicament selon deux axes : une simplification et une vision plus holistique intégrant l’ensemble des parties prenantes », selon le cabinet Kearney. Son analyse alimente les réflexions du Leem.
« Nous avons résolument voulu considérer cette crise comme une opportunité », a lancé Frédéric Collet, président du Leem, à l’occasion de la présentation de l’étude « Enseignements du covid et orientations stratégiques pour l’industrie du médicament en France », commandée auprès de Kearney. Celui-ci souligne les forces du secteur mises en lumière pendant cette période, principalement « la disponibilité des médicaments assurée par les industriels, ce qui a accru leur légitimité », note Julien Mallet, vice-président du cabinet de conseil en stratégie. En parallèle, les faiblesses se sont accentuées : « l’absence de protocole de coopération entre public et privé, la faiblesse de la gouvernance au niveau européen, un outil de production peu flexible du fait de contraintes réglementaires, une dépendance vis-à-vis d’un petit nombre de pays étrangers, l’utilisation limitée de la donnée pour piloter les flux et les stocks de médicaments… »
Garantir l’accès aux médicaments
L’étude suggère en premier lieu d’« assurer une autonomie sanitaire stratégique » pour « garantir l’accès aux médicaments nécessaires ». « Plusieurs dispositifs doivent être mis en œuvre en fonction de la criticité médicale des molécules et de leur profil de consommation dans un contexte de crise », explique Benoît Gougeon, associé chez Kearney. « Il faut combiner les leviers de l’offre (stocks, capacité de production dédiée ou mobilisable…) et de la demande (gestion des stocks, allocation grâce à des données intégrées…). Et ce, dans un cadre européen et avec des financements associés. » Kearney appelle à « améliorer la compétitivité et la résilience de l’outil industriel ». Il considère que la France pourrait occuper une place de « leader européen en termes d’innovation et d’industrialisation », par le renforcement de ses actifs et le développement de son attractivité.
Revoir la gouvernance de l’écosystème
Certains cadres règlementaires et modalités de financement doivent être adaptés. « Plus largement, reprend Julien Mallet, il faut revoir la gouvernance de l’écosystème : avoir des modes opératoires permettant plus de fluidité et de coopération, élargir les négociations sur le prix du médicament au-delà d’un an, associer les professionnels de santé et les patients aux échanges, développer une approche prospective intégrée pour identifier en amont les besoins et anticiper les impacts sur le système de soins. » Il prône ainsi la création d’« un centre de décision unique sur le médicament au sein des pouvoirs publics ».
« Ce rapport indépendant nous conforte dans notre réflexion mais aussi nous interroge, en nous permet de sortir de notre zone de confort », a salué Frédéric Collet. « Il vient compléter notre plan d’action ». Plan d’action que l’organisation patronale compte porter lors des prochains grands rendez-vous : réunion du Comité stratégique de filière (CSF), nouvel accord-cadre et Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) 2021.
Muriel Pulicani