Indépendance sanitaire : un défi national, un enjeu européen
L’indépendance sanitaire est devenue une priorité politique aux yeux des décideurs publics. Président du G5 Santé, Didier Véron formule plusieurs propositions opérationnelles, adaptées aux enjeux de production industrielle.
Vrai déclic ou simple effet d’annonce ? Au-delà des masques et des respirateurs, les tensions constatées sur certains anesthésiques ont révélé l’évidence : l’indépendance sanitaire est un défi hautement stratégique. « Le gouvernement semble avoir pris conscience de cet enjeu et de ses conséquences directes. Nous discuterons prochainement des dispositions concrètes à mettre en œuvre pour inverser la tendance. La situation actuelle nous impose de reconstruire une filière intégrée pour les produits de santé, allant de la chimie fine aux solutions thérapeutiques les plus élaborées, y compris sur le plan technologique », affirme Didier Véron, président du G5 Santé*. La problématique est délicate. Il s’agit de maintenir et de développer les usines implantées sur le territoire national, tout en facilitant l’intégration de molécules innovantes, qui seront « les ruptures de demain ».
Des engagements concrets
La préoccupation n’est pas nouvelle. Les laboratoires français ont déjà entrepris de « gros efforts », à l’instar de Sanofi qui officialisait fin février la création d’une entité dédiée à la production et à la commercialisation d’API pour des tiers, à destination des marchés français, européen et mondial**. Le G5 Santé veut emprunter la même voie. Ses membres se disent prêts à diversifier les sources d’approvisionnement pour les composants et les principes actifs nécessaires à la fabrication des médicaments essentiels. Pour des raisons évidentes de proximité, le choix de la France ou de l’Europe s’impose de lui-même, mais… « Ce sera un travail long et complexe qui implique certaines contreparties, tempère Didier Véron. Les pouvoirs publics y sont favorables. Il ne reste plus qu’à préciser les modalités. » La prudence est toutefois de mise. « Le diable se cache dans les détails ! », souligne-t-il.
Des garanties nécessaires
Les industriels attendent naturellement des garanties. Ils réclament des dispositifs législatifs et réglementaires inédits. Selon Didier Véron, plusieurs options sont envisagées : des mesures incitatives dans le futur accord-cadre (prise en compte des investissements industriels et de recherche dans la fixation et la révision des prix…) ; des mesures de régulation protectrices pour réduire les délocalisations (garantie d’un prix minimum pour des produits matures jugés indispensables…) ; des mesures d’attractivité et de compétitivité visant à favoriser les implantations, notamment au niveau fiscal (octroi d’un crédit d’impôt production, allègement du cadre normatif, soutien public à la modernisation du tissu industriel…). Certaines propositions sont directement issues des trois recommandations*** formulées l’automne dernier par le G5 Santé.
Jonathan Icart
(*) Le G5 Santé est un think tank qui regroupe les huit principales entreprises françaises de la santé : bioMérieux, Guerbet, Ipsen, LFB, Pierre Fabre, Sanofi, Servier et Théa.
(**) Implantées dans cinq pays européens, six usines du groupe Sanofi seront prochainement regroupées au sein d’une nouvelle entreprise autonome, dont le siège social sera implanté en France. Cette structure compte devenir le deuxième acteur du marché mondial des principes actifs, derrière le suisse Lonza.
(***) Fixation d’objectifs nationaux de politique industrielle, d’emploi et de commerce extérieur au CEPS ; prise en compte des investissements industriels et de recherche dans la fixation et la révision des prix ; mise en place d’un dispositif de prix facial à l’export pour les produits fabriqués en France et largement exportés, sans surcoût pour l’assurance maladie.