La crise du Covid-19 n’augmente pas l’attente d’un vaccin
Les bouleversements provoqués par l’épidémie de Covid-19 ne suffiront vraisemblablement pas à convaincre les anti-vaccins, selon une enquête Ipsos-WEF. Mais le niveau élevé de défiance ne devrait pas être un frein à l’objectif initial de 40 % de couverture vaccinale, visant prioritairement les publics à risque et exposés, proposé par la Commission européenne.
Malgré l’impact sanitaire, économique et social du Covid-19 à l’échelle mondiale, la défiance vaccinale reste forte : c’est ce qui ressort du sondage mené en ligne par Ipsos pour le compte du Forum Economique Mondial (WEF), auprès de plus de 19 500 personnes de 16 ans (18 ans dans 5 pays) à 74 ans, dans 27 pays, entre le 24 juillet et le 7 août dernier (*). Ainsi, 37 % des sondés se disent « tout à fait d’accord » et la même proportion « plutôt d’accord » pour recevoir un vaccin contre cette maladie « s’il est disponible », tandis que 12 % s’y opposent totalement. Ces résultats cachent de grandes disparités entre les pays. Si la vaccination semble ainsi faire la quasi-unanimité chez les Chinois (97 % de « d’accord »), elle rebute davantage les Russes (47 % de « désaccord »), les Polonais et les Hongrois (respectivement 45 et 44 % de « désaccord »)… et les Français (41 %), habitués du peloton de tête des palmarès européens de la défiance vaccinale.
« Si un vaccin contre le Covid-19 était disponible, je me ferais vacciner. »
Source : Ipsos Survey for the World Economic Forum (July 24 – August 7, 2020)
Crainte des effets secondaires
Parmi les raisons évoquées par ceux qui prétendent qu’ils ne recevraient pas le vaccin, la crainte des effets secondaires arrive en tête, citée par 56 % des sondés, notamment les Espagnols (70 %). Suivent les doutes sur l’efficacité (29 %), particulièrement forts chez les Russes et les Polonais (44 %). L’opposition systématique à la vaccination est mentionnée par 17 % des personnes interrogées, les Russes et les Italiens (30 %) devançant les Français (24 %). Par ailleurs, 19 % des sondés se jugent « pas assez à risque », surtout en Inde et Malaisie (37 et 36 %) et en Suède (35 %). Il est toutefois à noter que l’enquête exclut les personnes âgées de 75 ans et plus, chez qui l’on rencontre pourtant les taux de mortalité due au Covid-19 les plus élevés.
Pour Arnaud Bernaert, responsable des initiatives Santé au Forum Economique Mondial, ce niveau de défiance vis-à-vis d’un futur vaccin Covid « est suffisamment important pour compromettre l’efficacité du déploiement d’un vaccin. Il est donc essentiel que les gouvernements et le secteur privé s’unissent pour renforcer la confiance. » Lors d’une conférence de presse organisée le 3 septembre par l’IFPMA, des représentants de l’industrie pharmaceutiques se sont d’ailleurs inquiétés de l’impact de certains discours politiques quant à l’imminence d’un vaccin, sur la confiance des citoyens.
Une mauvaise nouvelle ? pas forcément…
Le niveau actuel de défiance vaccinal ne devrait pourtant pas poser de problème à court terme… tout simplement parce qu’il n’est pas question, à l’échelle mondiale, d’atteindre d’emblée un taux de vaccination aussi élevé. L’OMS a ainsi fixé un objectif de couverture initiale de 20 %, ciblant les populations les plus vulnérables… et à condition que soit disponible un vaccin présentant toutes les conditions de sécurité et d’efficacité (50 % minimum) requises.
Dans son « Projet pour un plan européen de vaccination contre le Covid-19 », adopté par le Comité de sécurité sanitaire le 21 juillet dernier, la Commission européenne estime à 40 % le taux de couverture vaccinale pour atteindre un objectif de réduction de la morbi-mortalité et de la transmission de la maladie. La stratégie est de vacciner en priorité des groupes bien définis : les personnels de santé, les populations vulnérables (malades chroniques et personnes âgées de plus de 65 ans) et les personnes travaillant pour des services publics jugés « critiques » (enseignement et transports notamment). Ce n’est que dans un second temps que l’UE tentera d’atteindre l’immunité collective en élargissant progressivement la cible.
Une ambition somme toute modeste, qui pourrait expliquer le scepticisme des personnes interrogées par l’Ifop quant à la disponibilité d’un vaccin « pour elles-mêmes » d’ici la fin de l’année : seules 9 % s’en disent persuadées, 59 % n’y croient pas…
Julie Wierzbicki
(*) Soit avant l’annonce par Vladimir Poutine de l’autorisation d’un premier vaccin en Russie (11 août) et les courriers adressés par les CDC américains aux responsables de la santé publique des Etats pour qu’ils soient prêts dès fin octobre à vacciner les populations les plus à risque (27 août).