La pandémie change la perception de la vaccination
Si la pandémie a généré un retard certain sur les vaccinations des nourrissons et les rappels des adolescents et adultes – avec un risque de « dette immunitaire » et les risques associés de surinfections futures -, une enquête de Kantar montre que les européens sont de plus en plus conscients de l’importance de ces vaccinations.
Le cabinet de consulting Kantar est venu présenter lors d’une conférence de presse de GlaxoSmithKline le 22 septembre sur le thème de la vaccination des adultes, les résultats d’une enquête exclusive menée dans huit pays (1) sur les motivations personnelles menant à l’acceptation de la vaccination. « La pandémie de Covid-19 a eu un impact très fort sur les habitudes de santé et de bien-être des adultes », rapporte Gayle Davey, senior vice-présidente chez Kantar, qui indique que 76 % des répondants déclarent que le bien-être et la santé sont essentiels, contre 65 % avant l’épidémie. Elle observe un changement majeur dans la perception de la vaccination, et c’est une bonne nouvelle. « 59 % des répondants, contre 44 % pré-Covid, estime important d’être à jour de ses vaccinations », se félicite-elle. L’enquête montre que le manque d’informations et de rappels sur les dates d’injections est la principale barrière à la vaccination des adultes. « Les sources d’informations sur les vaccins et sur le Covid-19 perçues comme les plus fiables sont les médecins généralistes et les pharmaciens », poursuit Pierre van Damme, professeur à la faculté de médecine de l’Université d’Anvers (Belgique), qui venait témoigner lors de la conférence de presse de GSK.
Des Français peu à jour de leurs vaccinations
La France présentait déjà une faible couverture sur les rappels de vaccins avant la pandémie, avec par exemple 47 % des jeunes adultes ayant fait leur rappel contre la coqueluche, selon des données de Santé publique France en 2017. Selon les résultats d’une étude CSA pour Sanofi (2), 80 % des Français se disent pourtant à jour dans leurs vaccins. « Il y a un réel décalage entre la perception et la réalité », a relevé Régis Verdier, responsable des affaires médicales à Sanofi Pasteur France, lors d’une conférence de presse du groupe le 15 septembre. Mais la situation est davantage préoccupante encore depuis la pandémie. « 1 million de vaccins de rappel, soit un sur quatre, n’a pas été administré dans l’Hexagone depuis mars 2020 », cite-il. « Ce retard crée une « dette immunitaire » », a expliqué le Pr Robert Cohen, pédiatre infectiologue à l’hôpital intercommunal de Créteil, lors de cette conférence de presse.
Une situation aggravée par la pandémie
Le pédiatre alerte, dans un contexte de moindre circulation
naturelle des agents pathogènes du fait des mesures de freinage de l’épidémie,
sur un risque de propagation plus rapide des maladies infectieuses au fur et à
mesure de l’assouplissement des gestes barrières. Notamment pour les maladies
dites « obligatoires », au sens où elles sont contractées par la
majorité des personnes à un moment de leur vie. C’est le cas de la varicelle,
dont le nombre d’infections a diminué de moitié en 2020 en France (3).
« Il faut s’attendre à une épidémie plus importante, et à l’augmentation
de l’âge moyen de la maladie », a observé Robert Cohen, qui prévient de
formes plus sévères à l’âge adulte. Il a appelé à s’interroger sur
l’opportunité d’élargir à l’ensemble des vaccinations disponibles le calendrier
vaccinal français, qui est l’un des « moins riches » d’Europe et qui
n’intègre pas, par exemple, la vaccination contre la gastro-entérite à
rotavirus, celle contre certains types de méningites, ou celle des femmes
enceintes contre la coqueluche, qui permet pourtant d’éviter des infections
chez les nourrissons jusqu’à six mois.
Francesca Ceddia, vice-présidente des affaires médicales Monde de GSK Vaccines,
s’est montrée relativement optimiste sur l’avenir de la vaccination. Elle s’est
réjouie de l’opportunité donnée par la crise de mesurer directement l’impact
extrêmement bénéfique des vaccins sur l’épidémie de Covid-19, contrairement à
de nombreuses maladies à prévention vaccinale qui ont disparu. « Nous
étions jusque-là victimes du succès des vaccins », rappelle-t-elle.
Juliette Badina
(1) 16 000 adultes de 50 ans et plus interrogés en juillet et aout 2021 aux États-Unis, Royaume-Uni, Japon, Allemagne, Espagne, Italie, Canada et France
(2) Enquête CSA réalisée par un questionnaire en ligne du 31 août au 2 septembre auprès d’un échantillon national représentatif de 1 010 individus
(3) Chiffres du groupement d’intérêt scientifique (GIS) Epi-phare