Médicament : le Leem sonne le tocsin

Quelques jours avant la présentation du nouveau projet de loi de financement de la Sécurité sociale et dans une conjoncture géopolitique jugée menaçante, le Leem réclame des Etats généraux du médicament pour prévenir le syndrome du déclassement.
Des patients privés de traitements, un secteur industriel asphyxié, une souveraineté sanitaire menacée. Durant sa traditionnelle conférence de presse de rentrée, le Leem a sonné le tocsin et réclamé des Etats généraux du médicament. « Sans une vision politique claire ni une stratégie pluriannuelle ambitieuse, la France risque de perdre son rôle dans l’innovation thérapeutique et de compromettre un accès équitable aux soins pour ses citoyens », alerte Thierry Hulot, son président. Patients, professionnels, industriels, pouvoirs publics… « Ce ne doit pas être une consultation déguisée sans lendemain, mais un véritable moment de vérité et de responsabilité, qui associe toutes les parties prenantes. » Face aux défis posés par une compétition internationale accrue, notamment avec les Etats-Unis et la Chine, le Leem propose cinq pistes concrètes pour répondre aux besoins des Français et permettre aux entreprises d’investir, d’innover et de produire en France : redonner de la valeur au médicament, définir une trajectoire de dépenses soutenable et prévisible, garantir un accès aux traitements aligné sur les standards européens, faire de la santé un pilier stratégique au même titre que le numérique ou la défense et geler les textes en cours faute de concertation.
Un PLFSS « catastrophique »
Quelques jours avant la présentation officielle du nouveau projet de loi de financement de la Sécurité sociale, le Leem redoute plusieurs mesures qui pourraient entraîner des « conséquences catastrophiques ». Au cœur des économies de santé, les baisses de prix sur les médicaments matures et innovants seront « plus importantes que les années précédentes ». Deux autres dispositions suscitent craintes et interrogations : un paiement anticipé des remises dues par les laboratoires et une nouvelle contribution sur le chiffre d’affaires.« Cette septième taxe sectorielle est une véritable boîte noire. Elle devait initialement remplacer la clause de sauvegarde qui sera tout de même maintenue en cas d’erreur de calcul. Ce double prélèvement, instauré sans concertation ni étude d’impact, manque de transparence et crée une insécurité fiscale supplémentaire », relève Thierry Hulot. Quatre ans après sa mise en place, le dispositif dérogatoire des accès précoces sera réformé, mais… « Les modifications envisagées – fusion des accès précoces post-autorisation de mise sur le marché et des accès directs avec une limite de temps stricte pour la négociation des prix – pourraient décourager les industriels et fragiliser la recherche clinique », regrette Corinne Blachier-Poisson, présidente d’Amgen France. Dans un contexte marqué par une réduction progressive des autorisations délivrées par la Haute Autorité de santé, elle sollicite un « dialogue constructif » avec les administrations et les associations de patients pour « améliorer le dispositif sans le démanteler ».
Un contexte géopolitique « menaçant »
Les représentants de la filière sont unanimes : la politique de régulation hexagonale doit être repensée en miroir de la « nouvelle géopolitique du médicament ». La volonté du président américain de rééquilibrer le financement de l’innovation, en imposant notamment la clause de la nation la plus favorisée, bouleverse les grands équilibres du marché. « Si les pays européens maintiennent des politiques tarifaires trop basses, leur attractivité sera lourdement pénalisée », assure Thierry Hulot, non sans rappeler que les prix français sont parmi les plus bas en Europe. Autre problématique majeure : « Les Etats-Unis renforcent leur indépendance sanitaire via une hausse des droits de douane sur les produits non fabriqués localement, ce qui va provoquer un échappement des investissements, au détriment des patients français et européens. » Deux exemples aux perspectives contraires ont également été évoqués, celui de la Chine qui développe une stratégie pluriannuelle pour attirer les entreprises pharmaceutiques et la recherche clinique, mais aussi celui du Royaume-Uni qui subit des investissements annulés et un accès déclinant aux innovations, en raison de sa « politique axée sur la réduction des coûts ». Une situation qui pourrait « bientôt » se produire en France. « Il n’y a pas de fatalité ! Nous pouvons encore changer la donne et rester une nation forte si nous prenons les bonnes décisions pour prévenir le syndrome du déclassement », rassure Charles Wolf, directeur de Sanofi France et directeur général de Sanofi Vaccins France. Les pouvoirs publics seront-ils sensibles aux propositions formulées par le Leem ? Comme chaque année, elles seront arbitrées par le Parlement.
Jonathan Icart