Personnes diabétiques : agir contre le refus vaccinal
Menée par la Fédération française des diabétiques, l’étude DIABEPI démontre l’importance de cibler la population diabétique en matière de vaccination, alors que 900 000 de ces patients n’étaient pas vaccinés au 25 juin.
Ils sont en moyenne plus vaccinés contre le Covid 19 que la population générale… mais la couverture actuelle apparait insuffisante face aux risques majorés de forme grave, en raison de leur pathologie. Et les groupes les moins bien vaccinés (notamment les plus pauvres) sont aussi les plus exposés. C’est l’enseignement principal de l’enquête DIABEPI, menée par la Fédération française des diabétiques (FFD), à partir d’un panel de 3507 répondants atteints d’un diabète de type I ou II. A l’occasion d’une conférence de presse, le 5 juillet, l’association de patients en présentait les résultats, aux côtés de représentants de France Assos Santé, de la Société francophone du diabète (SFD) et de la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM). « Nous avons souhaité engager cette étude afin de mieux connaitre et mieux comprendre la position des personnes diabétiques face à la vaccination, explique Jean-François Thébaut, vice-président de la FFD. La vaccination représente un enjeu majeur pour ces patients, car ils sont particulièrement susceptibles de formes graves du Covid 19 en cas de contamination, comme le montrent de nombreux travaux scientifiques. »
Un surrisque de Covid grave
C’est le cas notamment de l’étude Coronado, déployée auprès de 2796 patients diabétiques hospitalisés après une contamination. Soutenue par la Fondation francophone pour la Recherche sur le Diabète, elle montre que des antécédents de complications micro-vasculaires (maladies des reins et des yeux notamment), la prise d’anticoagulants ou des problèmes d’essoufflements sont associés à une plus forte mortalité. Et elle confirme des données déjà connues : le profil majoritaire du patient diabétique à risque de développer une forme grave du Covid 19 est, en moyenne, un homme âgé de 70 ans et plus, atteint de diabète de type 2 avec complications micro et macro-vasculaires, en situation de surpoids ou d’obésité, souffrant d’HTA, traité par insuline et/ou metformine.« En réalité, derrière ce profil-type, les situations à risque sont plus élevées pour l’ensemble des patients diabétiques, y compris pour les personnes plus jeunes et/ou atteintes de diabète de type 1, ajoute le Pr Charles Thivolet, président de la Société Francophone du Diabète (SFD). C’est particulièrement vrai dans le cas des infections dues aux nouveaux variants. »
63% de vaccinés…
Dès lors, la stratégie vaccinale apparait comme décisive, alors que les taux de protection contre les formes graves sont particulièrement élevés, quels que soient les vaccins. Les patients diabétiques en sont-ils conscients ? Oui, selon les résultats apportés par l’étude DIABEPI. Au 23 mai, d’après les chiffres de l’assurance-maladie, 66,2% des personnes diabétiques avaient reçu une première dose, et 37,9% un schéma vaccinal complet, contre 47,6% et 27,2% en population générale un mois plus tard, soit au 20 juin. Mais, derrière ces chiffres globaux, une réalité plus contrastée nuance l’analyse. « Notre enquête s’est attachée à rapprocher taux de vaccination et taux de pauvreté, indique Nicolas Naïditch, sociologue et responsable du Diabète LAB (le ”living lab” de la FFD), qui a conduit l’enquête. Elle montre que plus le taux de pauvreté est élevé, plus le taux de vaccination est bas. » Un ”gradiant social” souvent constaté en matière de prévention et qui contribue aux inégalités de santé entre CSP. Dans le cas du diabète, le même type d’écart s’observe en fonction des niveaux de revenus des patients, avec un risque de complications majoré pour les moins favorisés.
…15% hostiles à la vaccination
L’étude DIABEPI permet de mieux cerner l’opinion des personnes diabétiques face à la vaccination anti-Covid. On y apprend ainsi que si 63% des répondants se déclarent vaccinés, 25% indiquent être « en attente de l’être » et que 11% ne souhaitent pas l’être. Sur la question plus large du rapport à la vaccination, 85% se disent « très ou plutôt favorables », 15% ne sont « pas ou pas du tout favorables » à la vaccination. « Le niveau de confiance des patients diabétiques vis-à-vis de la vaccination est plutôt moyen, avec une note de 4,4/7, complète Nicolas Naïditch. Si 67% pensent qu’ils ont suffisamment d’informations pour la juger efficace, le chiffre n’est que 51% pour ceux qui se disent confiants sur l’absence d’effets secondaires. Et 23% estiment que la politique de priorisation vaccinale est difficile à comprendre, ce qui est susceptible de les faire renoncer à la vaccination.
Orienter le ”aller vers”
Pour l’assurance-maladie, étroitement associée à DIABEPI, ces résultats apportent de précieux enseignements pour mener la stratégie du ”aller vers” sur ce segment de patients atteints de maladies chroniques. « Environ 900 000 patients diabétiques ne sont pas vaccinés à l’heure actuelle, observe Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée à la gestion et à l’organisation des soins (CNAM). C’est une priorité pour nos services, nous devons tout mettre en œuvre pour aller chercher les personnes hésitantes, sceptiques ou hostiles, et concevoir les bons messages susceptibles de les convaincre, en fonction de la nature de leurs réticences. » L’enjeu est également social : un effort particulier doit être déployé en direction des populations les plus précaires, souvent plus réticentes à la vaccination, mais également plus exposées en raison de facteurs de risque majorés. « Nous devons notamment cibler les femmes peu diplômées, avec un faible gradient social de santé, dont DIABEPI montre qu’elles sont plus souvent réticentes à la vaccination, ajoute Marguerite Cazeneuve. C’est important de les convaincre, d’autant plus lorsque la campagne vaccinale s’ouvrira en direction des enfants. »
Des actions de terrain
La CNAM et la FFD vont mener plusieurs actions, conjointes ou spécifiques, dès cet été. La CNAM mobilise ainsi son dispositif SOPHIA, une plateforme d’accompagnement téléphonique des personnes diabétiques. Elle renforce également son partenariat avec les associations de lutte contre la pauvreté pour la promotion de la vaccination. Et elle s’appuiera par ailleurs sur le fichier des assurés relevant de la Complémentaire Santé Solidaire (CSS) pour orienter la stratégie du ”aller vers”. LA FFD, pour sa part, va activer l’ensemble de ses canaux de communication (presse nationale et régionale, medias télévisés, réseaux sociaux) et son réseau d’associations fédérées pour porter la cause de la vaccination auprès des patients. Enfin, l’association et l’assurance-maladie s’allient pour mener une campagne massive de mobilisation auprès des professionnels de santé de ville (pharmaciens, médecins généralistes, infirmiers libéraux). « Nous pensons notamment que les pharmaciens d’officine, qui voient le plus souvent les patients, peuvent fortement contribuer à la vaccination des personnes diabétiques, estime Jean-François Thébaut. Nous devons accompagner ces professionnels pour qu’ils sachent utiliser les bons éléments de langage, en fonction des opinions exprimées par les patients. »
Hervé Réquillart