Production : les défis de l’innovation
La relocalisation de certains sites de production ne suffira pas. La quête de l’indépendance sanitaire passera également par une politique industrielle volontariste et durable en faveur de l’innovation, notamment en région. Directrice générale de Lyonbiopôle, Florence Agostino-Etchetto formule ses propositions.
La reconquête industrielle a-t-elle débuté ? L’Auvergne-Rhône-Alpes vient d’être témoin d’un double événement qui semble alimenter cette thèse, au moins dans le domaine de la vaccination. Avant-hier, Sanofi officialisait un investissement de 610 millions d’euros, destiné à financer la construction d’un nouveau site de production « flexible et digitalisé » à Neuville-sur-Saône, avec la création de 200 emplois à la clef. Cette somme servira aussi à amortir l’installation d’un centre de R&D sur le site de Sanofi Pasteur à Marcy-l’Etoile, près de Lyon. Présent pour l’occasion, Emmanuel Macron promettait quant à lui de débloquer 200 millions d’euros dans les prochains jours pour « soutenir les activités de recherche, de développement et de production pharmaceutiques ». Aujourd’hui même*, il devait dévoiler les contours d’un « mécanisme de planification industrielle » dans le secteur de la santé. Le président de la République entend « tirer les leçons de la crise » et « faciliter la relocalisation de certaines productions critiques ». Il souhaite notamment « retrouver la capacité de produire, de conditionner et de distribuer du paracétamol en France ».
Un triple enjeu
De toute évidence, le repositionnement de l’appareil productif français ne saurait être réduit aux vaccins ou aux médicaments. Diagnostic, dispositif médical, biotechnologie, technologie médicale, santé digitale… « Toutes les industries de santé devront être mobilisées pour répondre aux besoins actuels et futurs. Quelle que soit sa forme, l’innovation devra être considérée comme une priorité stratégique », affirme Florence Agostino-Etchetto, directrice générale du pôle de compétitivité Lyonbiopôle. Longue et complexe, la quête de l’indépendance sanitaire reposera sur un triple enjeu : maintenir les usines essentielles, attirer de nouvelles productions et rapatrier la fabrication de plusieurs principes actifs. Reste que l’Hexagone pourra difficilement vivre en autarcie. « Notre souveraineté doit se concevoir dans une logique de complémentarité à l’échelon européen », précise-t-elle.
Des mesures incitatives
Pour inverser la tendance à l’œuvre, le gouvernement devra mener une politique ambitieuse, volontariste et durable. « La prévisibilité et la stabilité du cadre budgétaire seront des paramètres déterminants », souligne Florence Agostino-Etchetto. Concrètement, l’avènement de ce « nouvel ordre industriel » nécessitera des mesures fiscales attractives, en particulier dans le champ de la bioproduction. L’accompagnement des biotech et des medtech sera également un défi majeur. « Il faut inciter les entreprises privées à intervenir dès les premiers tours de financement. Elles pourraient apporter les liquidités manquantes pour conduire les sociétés les plus prometteuses sur la voie de la capitalisation boursière. » Des ajustements réglementaires seront par ailleurs « indispensables » pour « assouplir les règles d’implantation des études cliniques » et « réduire les délais d’accès au marché ».
La force de l’écosystème
A l’heure du choix, les industriels seront forcément très attentifs à leur environnement. « La richesse, la diversité et la créativité de l’écosystème local sont des critères décisifs dans la décision d’investissement », confirme Florence Agostino-Etchetto. Chargés d’animer et de structurer la dynamique partenariale dans les territoires, les pôles de compétitivité font office de trait d’union, voire de facilitateur. « Nous pouvons favoriser l’identification des compétences et la mise en relation des multiples acteurs regroupés dans la région, mais aussi financer des projets porteurs** », rappelle-t-elle. Plus que jamais, l’Auvergne-Rhône-Alpes compte miser sur « ses ressources académiques, entrepreneuriales et industrielles » pour devenir « une terre d’accueil de l’innovation en santé ».
Jonathan Icart
(*) Dans le prolongement de cette annonce présidentielle, le gouvernement dévoilait ce matin les contours d’un plan d’action en faveur de la relocalisation des industries de santé en France.
(**) Au cours des quinze dernières années, Lyonbiopôle a labellisé 263 projets financés à hauteur de 1,088 milliard d’euros, dont la moitié par des aides publiques (474 M€).