RIHN : enfin la réforme !
Réclamée depuis plusieurs années tant par les industriels que les médecins et les représentants de patients, la réforme du dispositif de prise en charge des actes innovants de biologie et anatomopathologie est enfin inscrite au PLFSS 2023. Mais ses modalités encore floues inquiètent les professionnels.
« Même si on trouve toujours que c’est trop lent, jamais on n’a autant avancé que ces derniers mois ! » Le Pr Frédérique Penault-Llorca, directrice du centre de lutte contre le cancer Jean-Perrin de Clermont-Ferrand, a salué les évolutions en cours et à venir du référentiel des actes innovants hors nomenclature (RIHN), à l’occasion du 8e congrès annuel de la Société française de médecine prédictive et personnalisée (SFMPP), qui s’est tenu du 5 au 7 octobre à Paris. Bien accueilli à sa création il y a sept ans, ce dispositif de prise en charge transitoire des tests innovants de biologie et anatomopathologie accumule les griefs depuis quelques années, ne permettant plus un financement suffisant pour les établissements qui les prescrivent. Parallèlement, l’inscription au remboursement de droit commun des actes de la liste est également bloquée depuis plusieurs années. Les oncologues en particulier pointent un risque de perte de chance pour les patients, alors que de plus en plus de médicaments anticancéreux nécessitent un test moléculaire préalable à leur prescription (1).
Nouvelle mission pour la HAS
L’année 2021 a marqué un tournant, avec la promesse faite par Emmanuel Macron, présentant le plan Innovation santé 2030, d’une prochaine réforme du dispositif. Celle-ci figure parmi les diverses dispositions de l’article 27 du PLFSS pour 2023, relatif à la biologie médicale. « Le projet de loi donne enfin une assise législative au RIHN et réaffirme son caractère transitoire », note Marine Devulder, avocate associée chez GD Avocats. Le texte prévoit que l’inscription des actes au RIHN sera soumise à un avis de la HAS, et ne reposera plus sur une simple instruction ministérielle. Selon l’avocate, l’étude d’impact de la mesure (en annexe du projet de loi) laisse entendre que les industriels auraient la possibilité de demander eux-mêmes l’inscription d’un acte, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Autre nouveauté, la HAS sera également « réputée saisie » pour évaluation préalable au remboursement de droit commun, six mois avant l’expiration de la durée de cette prise en charge dérogatoire – une durée non précisée à ce jour et qui pourrait être fixée par décret.
Un calendrier qui interroge
Si l’engagement d’une réforme est largement salué, l’analyse d’impact financier a en revanche suscité l’incompréhension de tous les acteurs. Celle-ci table en effet sur l’évaluation de seulement cinq actes en 2023 et dix en 2024 (sur les 352 lignes que comporte actuellement le référentiel), à l’issue de laquelle seule la moitié bénéficierait d’un avis favorable, et donc d’une prise en charge.
« D’où viennent ces chiffres ? s’interroge le Pr Pascal Pujol, président de la SFMPP. Il faut accélérer ! Le temps de l’administration n’est pas le temps des patients. Le risque de perte de chances est réel, surtout dans les petits établissements pour qui ces tests génèrent un reste à charge conséquent ».
Par ailleurs, si la dotation globale de financement de l’enveloppe RIHN / liste complémentaire a de nouveau été gonflée en 2022 (2), le PLFSS 2023 prévoit d’importantes économies sur le volet de la biologie médicale, ce qui rendrait d’autant plus complexe l’absorption de tests de génétique coûteux (parfois plusieurs centaines d’euros). Enfin, une inquiétude de plus en plus vive s’exprime concernant l’accès aux médicaments ciblant des mutations très rares. La Commission de la transparence de la HAS doit présenter dans les prochains mois sa doctrine révisée, dont beaucoup espèrent une meilleure prise en compte des protocoles d’essais innovants pour évaluer ces molécules.
Le processus d’évaluation déjà lancé
Sans attendre le vote de la réforme du RIHN, la HAS s’est aussi mise en ordre de marche pour l’évaluation d’un certain nombre d’actes en vue de leur remboursement de droit commun, en réponse à sa saisine par le ministère de la Santé, fin octobre 2021. Lors du congrès de la SFMPP, Cédric Carbonneil, chef du service d’évaluation des actes professionnels à la HAS, est revenu sur cette saisine « inédite par son ampleur ». « Nous avons à évaluer tous les actes inscrits à la section 14, qui recouvre l’oncologie, les maladies rares et les pathologies infectieuses ! » L’agence a d’abord procédé à de « très vastes enquêtes sur l’état des pratiques dans ces trois domaines ». Si elle attend encore des réponses de la part des acteurs dans le champ de la génétique constitutionnelle, elle se dit prête à revenir dans les toutes prochaines semaines vers les professionnels recourant aux tests PCR et de génétique somatique pour définir avec eux la priorisation des évaluations. Celles-ci devraient démarrer avant la fin de l’année 2022. Il faudra compter six mois avant que les premiers avis soient publiés. Pragmatique, Cédric Carbonneil indique que la HAS pourrait entériner certaines évaluations « déjà conduites par nos homologues internationaux », si leur méthodologie est jugée satisfaisante, afin d’aller plus vite.
Julie Wierzbicki
(1) voir Pharmaceutiques n°271 – Thérapies ciblées : quel accès aux tests compagnons ? et Pharmaceutiques n°291 – Médecine de précision : les tests génétiques, nouveau facteur limitant
(2) Bloqué pendant plusieurs années à 380,10 M€, le montant de cette enveloppe est passé à 405,9 M€ en 2021 puis à 493,29 M€ en 2022.